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LES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.

sonne de son sexe, remarquable par la droiture et la rectitude de ses sentiments et de ses principes. J’en ai fait Jeanie Deans dans la Prison du Mid Lothian. Son refus de sauver la vie de sa sœur par un parjure, et le voyage qu’elle fit à Londres pour obtenir la grâce de la condamnée, me furent donnés comme des faits réels par mon aimable et obligeante correspondante : c’est là ce qui me fit envisager la possibilité de rendre un personnage imaginaire intéressant par la seule dignité de son esprit et la rectitude de ses principes joints à un caractère tout uni et au simple bon sens, sans rien avoir de la beauté, de la grace, de l’esprit et des talents auxquels il semble qu’une héroïne ait un droit incontestable. Si la peinture de ce caractère fut accueillie du public avec quelque intérêt, je sens combien j’en ai été redevable à la vérité et à la vigueur de la première esquisse, que je regrette de ne pouvoir présenter au public.

De vieux livres bizarres, et une collection considérable de légendes de famille m’offrirent une autre mine si vaste à exploiter, qu’il était très-probable que les forces manqueraient à l’artisan avant les matériaux. Je citerai, pour en donner un exemple, la terrible catastrophe de la Fiancée de Lammermoor, qui arriva réellement dans une famille écossaise de haut rang. Une de mes parentes qui me communiqua cette triste histoire, il y a bien des années, était elle-même étroitement liée avec la famille dont il s’agit, et elle ne racontait jamais le fatal événement sans un air de mystérieuse mélancolie qui en augmentait l’intérêt. Elle avait connu, dans sa jeunesse, ce frère de la malheureuse victime, que j’ai peint galopant joyeusement vers l’église : quoique enfant alors, et fort occupé de la figure élégante qu’il faisait en tête du cortége nuptial, il ne put s’empêcher de remarquer que la main de sa sœur était froide et humide comme celle d’une statue. Il est inutile d’écarter davantage le voile de cette scène de douleur domestique ; car, bien que plus de cent ans se soient écoulés depuis la catastrophe, la publicité pourrait être désagréable aux représentants des familles qui devraient figurer dans cette narration. Il peut être bon d’ajouter que j’ai reproduit les événements, mais que je n’ai eu ni l’intention ni les moyens de copier les mœurs ou de tracer les caractères des personnages intéressés dans l’histoire véritable.

Je puis même dire ici, en termes généraux, que, tout en regardant les caractères historiques comme des sujets dont la fidèle peinture est permise à tout le monde, je n’ai, dans aucun cas,