Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et ses désirs, et amorti jusqu’à un certain point cette ardeur impétueuse pour la gloire et cette soif de se distinguer par les armes dont il avait été autrefois animé. En un mot, le Balafré était un soldat actif, endurci, égoïste et d’un esprit étroit, infatigable et hardi dans tout ce qui avait rapport à son service, mais ne connaissant presque rien au delà, si ce n’est l’observance rigide d’une tiède dévotion, égayée de temps en temps par une partie de débauche avec le père Boniface, son camarade et son confesseur. Si son génie avait été moins étroit, il aurait probablement été promu à quelque grade important ; car le roi, qui connaissait personnellement chaque soldat de sa garde, avait beaucoup de confiance dans le courage et la fidélité du Balafré ; et, d’un autre côté, l’Écossais avait eu assez de jugement ou d’adresse pour connaître parfaitement et pour flatter avec habileté les singularités de ce monarque. En un mot, ses talents étaient trop bornés pour qu’il pût être appelé à un rang plus élevé ; et, quoique le roi Louis lui accordât souvent un sourire ou une légère faveur, le Balafré resta simple archer au service du roi Louis.

Sans avoir pénétré profondément dans le caractère de son oncle, Quentin fut choqué de l’indifférence qu’il avait montrée en apprenant la destruction de toute la famille de son beau-frère, et ne put s’empêcher d’être surpris qu’un si proche parent ne lui eût pas offert le secours de sa bourse, secours que, sans la générosité de maître Pierre, il aurait été dans la nécessité de lui demander directement. Il ne rendait pourtant pas justice à son oncle en supposant que son manque d’attention était l’effet d’une véritable avarice : n’ayant pas lui-même besoin d’argent en ce moment, il n’était pas venu à l’esprit du Balafré que son neveu en fût dépourvu ; autrement, il regardait un si proche parent comme faisant tellement partie de lui-même, qu’il aurait fait pour son neveu vivant ce qu’il avait tâché de faire pour les âmes de sa sœur et de son beau-frère décédés. Cependant, quel qu’en fût le motif, cette négligence n’en déplut pas moins au jeune Durward, et il regretta plus d’une fois de ne pas avoir pris du service dans l’armée du duc de Bourgogne avant sa querelle avec le forestier. « J’ignore ce que je serais devenu, pensa-t-il ; mais j’aurais pu me consoler par l’idée que, quelque chose qui m’arrivât, j’avais en mon oncle un ami solide et qui viendrait à mon secours ; mais à présent je l’ai vu, et, malheureusement pour lui, j’ai trouvé plus de secours dans un simple marchand étranger que dans le propre frère de ma