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que leur mère. Il n’y a pas à se fier aux moines, beau neveu, il n’y a pas à s’y fier. Ils peuvent devenir soldats et pères, au moment où on s’y attend le moins… Mais continuez votre histoire. — J’ai peu de choses à ajouter, si ce n’est que considérant que ma pauvre mère s’était rendue responsable pour moi, je pris l’habit de novice et me soumis aux austérités du cloître ; j’appris même à lire et à écrire. — À lire et à écrire ! » s’écria le Balafré, qui était de ces gens qui pensent que toute science est miraculeuse lorsqu’elle surpasse la leur. « À lire et à écrire, dis-tu ! Je ne puis le croire. Jamais un Durward n’a su écrire son nom, que je sache, ni un Leslie non plus. Je puis du moins en répondre pour l’un d’eux ; je ne suis pas plus capable d’écrire que de voler en l’air ; mais, au nom de saint Louis ! comment ont-ils fait pour te l’apprendre ? — Cela me parut fort ennuyeux dans les commencements, mais devint plus facile avec le temps ; puis j’étais faible par suite de ma blessure et de la perte de sang que j’avais éprouvée, et je désirais faire plaisir à mon sauveur, le père Pierre, en sorte que je m’appliquai de bonne grâce à ma tâche. Mais après avoir langui pendant plusieurs mois, ma bonne et tendre mère mourut ; et comme ma santé était parfaitement rétablie, je communiquai à mon bienfaiteur, qui était aussi sous-prieur du couvent, ma répugnance à prononcer les vœux. Il fut donc convenu entre nous que, puisque ma vocation ne m’appelait pas au cloître, on m’enverrait dans le monde pour chercher fortune. Pour mettre le sous-prieur à couvert de la colère des Ogilvies, mon départ devait avoir l’air d’une fuite : pour donner crédit à cette histoire, j’emportai donc un des faucons de l’abbé. Cette permission, revêtue de la signature et du sceau de l’abbé lui-même, prouve, au reste, que j’ai pris congé d’une manière régulière. — C’est bien, très-bien. Le roi s’embarrassera fort peu de savoir si tu as volé un faucon ou autre chose ; mais il a en horreur tout ce qui a l’air d’un moine défroqué. Mais, dis-moi, je présume que le trésor que tu portes en voyage ne t’empêche pas de marcher légèrement. — Seulement quelques pièces d’argent, car je dois vous parler avec franchise. — Diable ! cela est tout à fait fâcheux ! Cependant, quoique je fasse peu d’économie sur ma paie, parce que, dans ces temps de dangers, il n’est pas prudent de porter beaucoup d’argent sur soi, j’ai toujours, et je vous conseille de suivre mon exemple, quelque chaîne d’or, quelque bracelet, quelque collier, qui sert à ma parure, et dont je puis détacher un