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de francs-lanciers, dont vous devez avoir ouï parler. Je le tuai sur le seuil de sa porte ; et je gagnai assez d’or dans ce coup de main pour acheter cette belle chaîne, qui était jadis deux fois aussi longue que vous la voyez maintenant… Et ceci me fait souvenir qu’il faut que j’en fasse servir une partie à un pieux usage. Holà ! André !… André ! »

André entra aussitôt : c’était le coutelier de Lesly. En général, son équipement était le même que celui de l’archer, avec cette différence cependant qu’il ne portait pas de cuissarts, que sa cuirasse était plus grossièrement fabriquée, que sa toque n’était pas surmontée d’un panache, enfin que son surtout était de serge, ou d’une étoffe plus grossière encore, tandis que celui de son maître était d’un superbe velours. Ôtant de son cou sa chaîne d’or, le Balafré en arracha avec les dents (car elles étaient bonnes et solides) un bout d’environ quatre pouces de longueur, et le remettant à son serviteur, il lui dit :

« André, portez ceci à mon joyeux compère, le père Boniface, moine de Saint-Martin. Saluez-le de ma part… À propos, je me rappelle qu’il ne put me dire Dieu vous conduise, la dernière fois que nous nous séparâmes à minuit… Dites-lui que mon frère, ma sœur et quelques autres membres de ma famille, sont morts et partis pour l’autre monde, et que je le prie de dire autant de messes qu’il lui sera possible pour la valeur de ces anneaux : si cela ne suffit pas pour les tirer des feux du purgatoire, qu’il fasse le reste à crédit. D’ailleurs… écoutez-moi donc !… comme c’étaient des gens qui menaient une vie régulière et qui n’étaient nullement entachés d’hérésie, il est possible qu’ils soient déjà presque hors du purgatoire ; en sorte qu’il ne faudra que peu de chose pour rompre entièrement leurs chaînes ; et en ce cas, voyez-vous, je désire que le bon moine emploie cet or en malédictions contre une race appelée les Ogilvies, en malédictions des plus sûres que l’Église ait pour les atteindre. Vous comprenez mes intentions, André ? »

Le coutelier répondit par un signe de tête affirmatif.

« Mais, ajouta le Balafré, prends bien garde qu’aucun de ces anneaux n’aille faire un tour chez le marchand de vin avant que le moine y ait touché ; car, si cela arrive, tu tâteras de la sangle et de l’étrivière jusqu’à ce que tu sois aussi complètement écorché que saint Barthélémy. Attends, je vois que ton œil s’est fixé sur ce flacon de vin ; et tu ne t’en iras pas sans y avoir goûté. »