Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tance ; et, comme les places vacantes étaient ordinairement remplies par ceux qui avaient été élevés au service en qualité de pages ou de varlets, les meilleures familles d’Écosse envoyaient souvent leurs cadets pour servir, en l’une ou l’autre de ces qualités, sous un ami ou un parent, jusqu’à ce qu’il se présentât quelque chance d’avancement.

Le coutelier et son compagnon n’étant pas nobles, ni susceptibles de promotion, se recrutaient parmi les gens de la classe inférieure ; mais comme la paie de leur emploi était fort bonne, leurs maîtres trouvaient aisément parmi leurs compatriotes errants, des hommes robustes et courageux pour les employer en cette qualité.

Ludovic Lesly, ou, comme nous l’appellerons plus fréquemment, le Balafré, nom sous lequel il était généralement connu en France, était un homme de plus de six pieds[1], robuste, dont le corps était fortement constitué, mais dont les traits durs et repoussants l’étaient devenus davantage encore par suite d’une large et horrible cicatrice qui, partant du front et passant tout près de l’œil droit, laissait intact l’os de la joue, et descendait presque jusqu’au bas de l’oreille. La suture profonde qui se dessinait ainsi, tantôt écarlate, tantôt pourpre, tantôt bleue, tantôt presque noire, était constamment hideuse, parce qu’elle contrastait avec la couleur de son visage, dans quelque état qu’il fût, agité ou calme, enflammé de quelque passion extraordinaire, ou habituellement d’un teint noir, résultat de l’influence de l’air et des rayons du soleil.

Ses armes et son costume étaient riches et brillants. Il portait la toque nationale, surmontée d’une aigrette ayant pour agrafe ou boucle une Vierge Marie d’argent massif. Cet ornement avait été donné par le roi à la garde écossaise, parce que, dans un de ses accès de piété superstitieuse, il avait consacré les épées de ses gardes au service de la sainte Vierge ; et même, suivant quelques historiens, il avait été jusqu’à rédiger et signer de sa main un brevet par lequel il en donnait à Notre-Dame le commandement, avec le titre de capitaine-général. Le hausse-col de l’archer, ses brassarts et ses gantelets étaient de l’acier le plus fin, artistement damasquinés d’argent, et son haubert, ou sa cotte de mailles, brillait du même éclat que la gelée d’une matinée d’hiver sur la bruyère ou la ronce. Il portait un surtout flottant, ou casaque

  1. Il s’agit ici de pieds anglais. Le pied anglais fait 11 pouces 2 lignes de France. a. m.