Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins précieux, mais si bien bruni qu’on pouvait s’y tromper au premier aperçu.

Mais la vue de la jeune personne qui apportait ce nouveau service attira l’attention de Durward beaucoup plus que les objets dont il était composé.

Il reconnut promptement qu’une profusion de longues tresses de cheveux noirs, parmi lesquels, de même que les jeunes Écossaises, elle avait entrelacé pour tout ornement une légère guirlande de feuilles de lierre, formait un voile autour d’une figure dont les traits réguliers, les yeux noirs et l’air pensif pouvaient la faire comparer à celle de Melpomène ; mais il y avait sur sa joue une teinte de rougeur, et sur ses lèvres ainsi que dans son œil un sourire plein de finesse qui faisait sentir que la gaieté n’était pas étrangère à une physionomie si expressive, quoique peut-être elle ne s’y montrât pas habituellement. Quentin crut même distinguer que des circonstances malheureuses étaient la cause pour laquelle une figure aussi jeune et aussi aimable était plus sérieuse que ne l’est ordinairement la beauté dans ses premières années ; et comme l’imagination romanesque d’un jeune homme est prompte à tirer des conclusions de données légères, il prit plaisir à inférer de ce qui va suivre que le destin de cette belle inconnue était enveloppé de silence et de mystère.

« Eh bien ! Jacqueline, » dit maître Pierre lorsqu’elle entra dans l’appartement, « que signifie ceci ? n’avais-je pas demandé que dame Perrette m’apportât ce dont j’avais besoin ? Pâques-Dieu ! est-elle ou se croit-elle trop grande dame pour me servir ? — Ma mère ne se trouve pas bien, » répondit Jacqueline avec quelque précipitation, mais d’un ton respectueux ; « elle est indisposée, et elle garde la chambre. — Elle la garde seule, j’espère, » répliqua maître Pierre en appuyant sur le mot ; « je suis un vieux routier, et nullement du nombre de ceux auprès de qui les maladies de feinte passent pour des excuses. »

Jacqueline pâlit, chancela même en entendant cette réplique ; car il faut avouer que la voix et le regard de maître Pierre, toujours durs, caustiques et désagréables, avaient, lorsqu’ils exprimaient la colère ou le soupçon, une expression tout à la fois sinistre et alarmante.

La galanterie montagnarde de Durward prit subitement l’éveil ; et avec un empressement plein de courtoisie, il s’approcha de Jacqueline pour la débarrasser du plateau qu’elle portait, et qu’elle