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INTRODUCTION
MISE EN TÊTE DE LA DERNIÈRE INTRODUCTION D’ÉDIMBOURG.




La scène de ce roman se trouve placée au xve siècle, à l’époque où le système féodal, sur lequel reposait la défense du pays, et l’esprit de chevalerie qui avait été l’âme de ce système, commençaient à être abandonnés par des hommes moins généreux qui concentraient leur félicité dans la possession de jouissances dont ils faisaient les objets constants de leurs vœux. Le même égoïsme s’était montré dans des temps plus anciens, mais c’était pour la première fois qu’on osait l’avouer et l’ériger en principe. L’esprit de chevalerie avait en lui-même cela de bon que, quelque outrées et bizarres que nous paraissent beaucoup de ses doctrines, elles étaient toutes fondées sur la générosité et sur l’abnégation de soi-même, qualités sans lesquelles il serait difficile de concevoir l’existence de la vertu sur la terre.

Parmi ceux qui se montrèrent les premiers à ridiculiser et à renier les principes d’abnégation de soi-même dans lesquels on élevait les jeunes chevaliers, se trouvait Louis XI, qu’on y avait formé avec tant de soin lui-même : c’était le chef de nos frondeurs du temps. Ce prince était d’un caractère si foncièrement égoïste, si étranger à tous sentiments, à tous desseins qui ne se rapportassent point à l’ambition, à l’avarice et aux désirs d’une satisfaction personnelle, qu’il semble jeté sur la terre comme un être malfaisant, destiné à corrompre dans leurs sources toutes les idées d’honneur. Il ne faut pas perdre de vue que Louis possédait à un haut degré cet esprit caustique et fin qui sait tourner en ridicule toute espèce d’action désintéressée : il avait les qualités requises pour jouer le rôle d’un homme froid et moqueur.

Sous ce point de vue, la conception de Goethe dans le caractère de Méphistophélès, esprit tentateur du singulier drame de Faust, me paraît plus heureuse que celle qui a été imaginée par Byron, et même que le Satan de Milton. Ces deux derniers grands écrivains ont donné au principe du mal quelque chose qui élève, ennoblit sa faiblesse : une résistance opiniâtre, invincible au Tout-Puissant lui-même, un mépris superbe de la souffrance comparée à la soumission, et tous ces points d’attraction dans l’auteur du