Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une saignée faite à la rivière du Cher, ou plutôt à un de ses affluents. « Au pied du second mur d’enceinte, lui dit-il, est un autre fossé ; un troisième protège la troisième muraille, et tous trois sont de dimension extraordinaire. » Les bords intérieurs et extérieurs de ce triple fossé étaient garnis de palissades en fer, remplissant l’office de ce qu’on appelle chevaux de frise, en termes de fortification moderne, la tête de chaque pieu étant armée d’un faisceau de pointes aiguës dirigées en tous sens ; de sorte qu’une tentative d’escalade, dernier moyen de s’emparer d’une place, ne pouvait avoir lieu sans exposer les assaillants à une mort certaine.

Au milieu de l’enceinte formée par le mur intérieur s’élevait le château, composé de bâtiments construits à diverses époques : l’antique et sombre donjon, d’une date beaucoup plus ancienne, s’élevait au-dessus des autres, semblable à un noir géant éthiopien ; et l’absence de toute fenêtre plus grande que des meurtrières pratiquées à distances irrégulières pour servir à la défense, faisait naître dans l’âme du spectateur ce sentiment pénible qu’on éprouve en voyant un aveugle. Les autres bâtiments ne paraissaient guère devoir offrir plus d’agréments à ceux qui les habitaient, car le petit nombre de fenêtres dont ils étaient percés donnaient sur une cour intérieure, de sorte que toute la façade extérieure présentait l’idée d’une prison plutôt que celle d’un palais. Le roi régnant avait même ajouté à cette ressemblance en voulant que le caractère des fortifications qu’il avait élevées ne s’éloignât en rien de celui du bâtiment primitif, car, de même que la plupart des gens soupçonneux, il s’efforçait de cacher ses soupçons ; à cet effet, on avait employé les briques et les pierres de taille de la couleur la plus sombre, et délayé de la suie dans la chaux, de manière à donner à l’ensemble du château la teinte uniforme d’une extrême et grossière antiquité.

Cette place formidable n’avait qu’une seule entrée, du moins Durward n’en vit qu’une seule dans toute l’étendue de la façade ; elle était au centre de l’enceinte extérieure, et, suivant l’usage, placée entre deux fortes tours : on y voyait l’accessoire obligé d’une herse et d’un pont-levis. La herse était baissée, le pont-levis levé. Des tours semblables étaient également placées à la seconde et à la troisième enceinte, mais non sur la même ligne que celles du mur extérieur ; car le passage ne se prolongeait pas en ligne droite de l’une à l’autre ; après avoir passé la première on avait encore près de trente toises à parcourir entre les deux murailles avant