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nous pourrons entendre une messe à la chapelle de Saint-Hubert car il n’est pas juste de s’occuper des besoins du corps avant d’avoir satisfait à ceux de l’âme. »

Durward, en bon catholique, n’avait rien à objecter à cette proposition, quoiqu’il eût probablement voulu commencer par sécher ses habits et prendre quelques rafraîchissements. Ils eurent bientôt perdu de vue leur sournois compagnon ; mais en continuant de suivre le même sentier qu’il avait pris, ils entrèrent dans un bois planté de grands arbres entremêlés de buissons et de broussailles, traversé de longues avenues dans lesquelles ils voyaient des daims trottant en petites troupes, avec une sécurité qui indiquait que ces animaux n’avaient aucune crainte d’être attaqués :

« Vous me demandiez si j’étais bon archer, dit Durward ; donnez-moi un arc et une couple de flèches, et vous ne tarderez pas à avoir une pièce de venaison. — Pâque-Dieu ! mon jeune ami, prenez-y garde ; mon compère a l’œil ouvert sur les daims ; ils sont confiés à sa garde, et c’est un gardien sévère. — Il a plutôt l’air d’un boucher que d’un joyeux forestier. Je ne peux pas croire que cette figure patibulaire appartienne à un homme qui connaît les nobles règles de la vénerie. — Ah ! mon jeune ami, il est vrai que mon compère a une figure qui est peu agréable au premier abord ; et cependant on n’a jamais appris que ceux qui ont eu des liaisons intimes avec lui s’en soient jamais plaints. »

Quentin Durward trouva quelque chose de singulier et de désagréable dans le ton avec lequel son compagnon s’était exprimé, et, se tournant subitement de son côté, il crut voir sur sa figure, dans le léger sourire qui contournait sa lèvre supérieure, dans le clignotement de son œil noir et perçant, un je ne sais quoi qui justifiait la surprise qu’il éprouvait. « J’ai entendu parler de voleurs, de brigands, de coupe-jarrets, » se dit-il en lui-même ; « qui sait si le drôle qui nous précède n’est pas un assassin, et ce vieux coquin celui qui lui amène sa proie ? Il faut que je me tienne sur mes gardes… Au reste, ils n’auront guère de moi que de bons horions écossais. »

Tandis qu’il était occupé de ces réflexions, ils arrivèrent à une clairière où les grands arbres de la forêt étaient plus écartés les uns des autres ; la terre, débarrassée de buissons et de broussailles, y était couverte d’un tapis de la plus agréable verdure, qui, protégée contre les rayons brûlants du soleil, était plus belle et