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Outre ces monstruosités, un autre fléau, qui prenait sa source dans les guerres prolongées entre les Français et les Anglais, ajoutait encore aux malheurs déjà si grands de ce royaume à demi ruiné, et que déchiraient les dissensions. De nombreux corps de soldats, réunis en bande sous le commandement d’officiers qu’ils choisissaient eux-mêmes parmi les aventuriers les plus braves et les plus heureux, s’étaient formés, dans diverses parties de la France, du rebut de tous les autres pays. Ces soldats mercenaires vendaient leurs épées au plus offrant pour un temps limité ; et quand ils ne trouvaient pas à les vendre, ils faisaient la guerre pour leur propre compte, s’emparant de châteaux et de tours dont ils se faisaient des places de retraite, faisant des prisonniers dont ils tiraient de fortes rançons, mettant à contribution les villages sans défense, ainsi que les campagnes qui les environnaient, et justifiant, par toute espèce de rapine, leurs droits aux épithètes de tondeurs et d’escorheurs, qui leur convenaient si bien.

Au milieu des horreurs et des calamités que produisait un état si déplorable des affaires publiques, il faut signaler les dépenses extravagantes et les prodigalités insensées auxquelles se livrait la noblesse d’un rang inférieur, jalouse de rivaliser avec les princes d’un rang plus élevé ; à leur exemple, elle dépensait au milieu d’un luxe magnifique, mais grossier, les richesses dont elle dépouillait le peuple. Un ton de galanterie romanesque et aventurière, que souvent encore déshonorait une licence effrénée, caractérisait les relations entre les deux sexes : on employait le langage de la chevalerie errante, on observait ses lois ; lorsque déjà le chaste sentiment d’un amour honorable, et le généreux esprit d’entreprise qu’elle inspire, avaient cessé d’en adoucir et d’en réparer les extravagances. Les joutes et les tournois, les fêtes et les divertissements qui avaient lieu dans chaque petite cour, invitaient à venir en France tout aventurier cherchant fortune, et il était rare qu’en y arrivant il ne trouvât pas l’occasion d’employer ce courage aveugle, cet esprit téméraire et aventureux auquel sa patrie plus heureuse n’offrait pas un assez vaste théâtre.

À cette époque, et comme pour sauver ce beau royaume des malheurs de toute espèce dont il était menacé, le trône chancelant reçut le roi Louis XI, dont le caractère, tout odieux qu’il était en lui-même, fit face aux malheurs du temps, les combattit