Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/428

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qui, baissant son voile, se retira précipitamment ; « à votre chambre ! et vous mériteriez qu’on vous la fît échanger contre une cellule où l’on vous donnerait du pain et de l’eau pour toute nourriture. Quant à vous, mon beau monsieur, qui vous montrez si entreprenant, un temps viendra peut-être où l’intérêt des rois et des royaumes n’aura rien de commun avec un homme de votre espèce, et alors vous apprendrez quel châtiment l’on réserve à l’audace d’un misérable qui ose lever les yeux jusque… — Paix ! paix ! en voilà assez ; modérez-vous, modérez-vous, s’écria le vieux lord ; et vous, Quentin, taisez-vous, je vous l’ordonne, et retournez dans la chambre qui vous a été assignée. Sire de Crèvecœur, montrez-vous moins dédaigneux : Quentin Durward est aussi bon gentilhomme que le roi, seulement il est moins riche, comme dit l’Espagnol ; il est aussi noble que moi, et je suis le chef de ma maison. Cessez donc, je vous en prie, de parler de châtiment devant des hommes… — Milord, milord ! » s’écria Crèvecœur avec impatience, « l’insolence de ces mercenaires étrangers est passée en proverbe, et vous qui êtes leur chef, vous devriez la réprimer au lieu de l’encourager. — Monsieur le comte, il y a cinquante ans que je commande les archers de la garde écossaise, et je n’ai jamais pris conseil ni de Français, ni de Bourguignon ; et, ne vous en déplaise, je suis résolu à agir de même aussi longtemps que je conserverai mon commandement. — Allons ! allons ! je n’ai pas eu l’intention de vous offenser ; votre naissance aussi bien que votre âge vous donnent le droit de parler ainsi. Quant à ces jeunes gens, je leur pardonne volontiers le passé, car j’aurai soin qu’ils ne se revoient jamais. — N’en jurez pas sur le salut de votre âme, Crèvecœur ! » répondit le vieux lord en riant ; « les montagnes, dit-on, peuvent se rencontrer : qui empêcherait des créatures humaines, qui ont des jambes, avec de l’amour et de la force pour mettre ces jambes en mouvement, de se rencontrer aussi ? Ce baiser était bien tendre, Crèvecœur : il me semble de mauvais augure. — Vous voulez donc tout à fait me faire perdre patience ? Mais non, je ne vous donnerai pas cet avantage sur moi. Écoutez ! j’entends la cloche du château ; elle sonne pour convoquer le conseil : Dieu seul peut prévoir quelle en sera l’issue ! — Je puis du moins prévoir, moi, que si l’on tente d’exercer quelque violence sur la personne du roi, quoique ses amis soient en petit nombre et entourés par ses ennemis, il ne succombera ni seul ni sans vengeance. Je n’ai qu’un regret, c’est qu’il m’ait expressé-