Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/415

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Philippe ; mais venons au fait. Quelles sont, parmi ces heureuses propositions, celles auxquelles votre duc est assez aheurté pour que la contradiction le rende déraisonnable et intraitable. — Avec votre permission, Sire, ce sont toutes celles sur lesquelles vous le contrediriez. Voilà précisément ce que Votre Majesté doit éviter ; et, pour reprendre ma première comparaison, il faut que vous vous teniez sur vos gardes, toujours prêt à laisser au duc assez de ligne pour qu’il puisse donner carrière à sa fureur. Cette fureur, déjà considérablement affaiblie, se dissipera d’elle-même si elle ne rencontre point d’obstacles, et bientôt vous le trouverez plus doux et plus traitable. — Mais encore, » dit le roi d’un air pensif, « parmi les propositions que mon beau cousin sera tenté de me faire, il doit y en avoir quelques-unes qui lui tiennent plus au cœur que les autres ? Ne pouvez-vous me les indiquer d’avance, sire Philippe ? — Votre Majesté peut faire que la plus légère des prétentions du duc devienne à ses yeux la plus importante de toutes : il ne faut pour cela que s’y opposer. Cependant, Sire, je puis au moins vous dire que vous devez renoncer à tout espoir d’accommodement, si vous n’abandonnez Guillaume de la Marck et les Liégeois. — J’ai déjà dit que je les abandonnerai ; et c’est tout ce qu’ils méritent de moi. Les scélérats ! commencer leur insurrection dans un moment où il pouvait m’en coûter la vie ! — Celui qui met le feu à une traînée de poudre doit s’attendre à la prompte explosion de la mine. Mais le duc Charles compte sur quelque chose de plus qu’un simple désaveu de votre part : sachez qu’il se propose de demander la coopération de Votre Majesté pour étouffer l’insurrection, et votre présence royale pour rendre plus solennel le châtiment qu’il destine aux rebelles. — Cela s’accorderait mal avec mon honneur, d’Argenton, — Un refus ne s’accorderait pas mieux avec la sûreté de Votre Majesté. Charles est déterminé à prouver aux peuples de Flandre que ni les promesses ni l’appui de la France ne les mettront à l’abri de la colère et des vengeances de la Bourgogne, s’ils osent encore se révolter. — Je vous parlerai franchement, d’Argenton. Si nous trouvions le moyen de gagner du temps, peut-être ces misérables Liégeois en pourraient-ils profiter pour prendre une bonne attitude vis-à-vis le duc Charles ? Les coquins sont nombreux et résolus. Ne pourraient-ils pas tenir bon contre lui, eux et leurs murailles ? — Avec le secours de mille archers français que Votre Majesté leur a promis, ils auraient pu faire quelque chose ; mais… — Que je leur ai promis ! Hélas !