Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/403

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nant pour texte les vertus et la bonté de l’évêque de Liège si indignement assassiné, il récapitulait les preuves d’affection et de confiance mutuelles qu’ils s’étaient données si souvent ; enfin, il exalta à un tel point les sentiments douloureux qu’il éprouvait, qu’il se jeta en avant sur son lit, paraissant près d’étouffer par les efforts mêmes qu’il faisait pour arrêter ses larmes et ses sanglots. Se relevant ensuite avec précipitation, il s’abandonna à un transport d’un autre genre, et se mit à parcourir l’appartement à grands pas, proférant des menaces incohérentes et des serments de vengeance plus incohérents encore ; frappant du pied, suivant sa coutume, il invoquait saint George, saint André, et tout ce qu’il y avait de plus sacré à ses yeux, les prenant à témoin de la promesse qu’il faisait de tirer la vengeance la plus éclatante de Guillaume de la Marck, du peuple de Liège, et de celui qui était la cause première de tout le mal. Cette dernière menace, moins explicite que les autres, avait évidemment pour objet la personne de Louis, et il y eut même un moment où le duc exprima la détermination d’envoyer chercher le duc de Normandie, frère du roi, et avec lequel Louis était en fort mauvaise intelligence, et de forcer le royal captif à lui céder la couronne, ou du moins quelques-uns de ses droits et de ses apanages les plus précieux.

Un autre jour et une autre nuit s’écoulèrent au milieu de ces orageuses résolutions, ou plutôt de ces rapides transitions d’une passion à une autre, et dans cet espace de temps le duc ne prit pour ainsi dire aucune nourriture et ne quitta pas ses vêtements. Enfin on remarquait un tel désordre dans ses discours et ses actions, que ses serviteurs craignirent un moment que son esprit ne fût dérangé. Il se calma pourtant peu à peu, et commença à tenir avec ses ministres des conférences dans lesquelles on proposa bien des choses sans rien décider. Comines assure qu’un courrier monta une fois à cheval, prêt à partir pour aller chercher le duc de Normandie ; et il était probable que le monarque déposé allait trouver dans sa prison, comme cela s’est vu dans plusieurs circonstances semblables, un court chemin vers le tombeau.

Dans d’autres instants, lorsqu’il était épuisé par sa rage, Charles s’asseyait, l’œil fixe et le corps immobile, comme un homme qui médite quelque projet désespéré auquel il n’a pu encore se résoudre entièrement. Il n’aurait fallu que le plus léger effort de la part d’un des conseillers qui l’entouraient pour le porter à une