Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/385

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je conserve la vie ; je te l’avais déjà promis ; mais cette fois-ci je tiendrai parole. Si j’ai eu quelque connaissance de ce crime, veuille croire, ma très-chère patronne, que c’était parce que je ne voyais pas de meilleur moyen pour dompter les mécontents de mon royaume. Oh ! ne porte pas cette vieille dette à mon compte ; mais sois, comme tu as toujours été, bonne, bénigne, et facile à fléchir par les prières. Très-sainte Vierge, intercède auprès de ton fils, pour qu’il me pardonne mes péchés passés, et celui… celui bien petit… qu’il faut que je commette cette nuit… Encore n’est-ce pas un péché, chère Notre-Dame de Cléry… ce n’est pas un péché, mais un acte de justice secrètement exercé ; car le scélérat est le plus grand imposteur qui ait jamais versé le mensonge dans l’oreille d’un prince ; et d’ailleurs il a du penchant pour l’abominable hérésie des Grecs[1] : il n’est pas digne de ta protection ; mets-le à ma discrétion, et regarde comme une bonne œuvre ce que je vais faire, car c’est un nécromancien, un sorcier, qui ne mérite pas que tu penses à lui, que tu t’occupes de lui… un chien, dont la mort ne doit pas être plus importante à tes yeux que l’extinction de l’étincelle qui tombe d’une lampe ou qui s’échappe du feu. Ne fais nulle attention à cette bagatelle, douce et bonne Notre-Dame ; ne songe qu’aux moyens de me délivrer du péril que je cours ici. Mon sceau royal, que j’appose sur ton effigie, est une preuve que je tiendrai ma promesse à l’égard du comté de Champagne ; et ce sera la dernière fois que je t’importunerai pour quelque affaire de sang, vu que tu es si bonne, si douce et si compatissante. »

Après avoir pour ainsi dire signé ce contrat extraordinaire avec l’objet de ses adorations, Louis récita, en apparence avec la plus humble dévotion, les sept psaumes de la pénitence, en latin, quelques Ave, et plusieurs autres prières spécialement consacrées à la Vierge. Il se releva ensuite, charmé de s’être assuré l’intercession de la sainte à laquelle il avait adressé ses prières, et d’autant plus sûrement, comme il en fit l’astucieuse réflexion, que la plupart des péchés pour le pardon desquels il avait imploré précédemment

    duc de Berri, frère de Louis XI, reçut la Normandie par le double traité du 30 octobre 1465 ; le roi ne vint à Péronne que postérieurement à ce traité ; et le duc de Guienne (ainsi nommé parce que, depuis cette époque, il avait renoncé à la Brie, à la Champagne et à la Normandie, pour cet autre apanage) ne mourut empoisonné, comme on le crut généralement, que quelque temps après. a. m.

  1. L’Église grecque, qui reconnaît deux personnes en Jésus-Christ, la divine et l’humaine, n’honore pas Marie comme Mère de Dieu, mais seulement comme Mère du Christ. a. m.