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monseigneur d’Orléans ; et vous, gentilshommes français, rangez-vous autour de Dunois, et faites ce que vous verrez faire. »

En ce moment, le roi put connaître quels étaient ceux de ses sujets sur lesquels il pouvait le plus compter. Le peu de seigneurs et de chevaliers indépendants qui se trouvaient auprès de lui, et dont la plupart n’en avaient reçu que des dédains et des mortifications, sans être effrayés par une force infiniment supérieure, ni par la certitude d’une mort prompte, se hâtèrent de se ranger autour de Dunois, et se frayèrent un passage à sa suite vers le haut bout de la table où les deux princes étaient assis.

Au contraire, ceux de ses serviteurs que Louis avait tirés de la bassesse pour les élever à des places importantes qu’ils n’avaient aucunement méritées, ne montrèrent que lâcheté et froideur, et demeurant tranquillement assis, parurent déterminés à ne point anticiper sur leur destinée par une intervention quelconque, quoi qu’il pût advenir de leur bienfaiteur.

Le premier parmi les hommes généreux qui prirent la défense du roi était le vénérable lord Crawford, qui, avec une agilité qu’on n’aurait pu attendre de son âge, se fraya un chemin malgré toute opposition. À la vérité, il n’en rencontra qu’une faible ; car soit par point d’honneur, soit par un désir secret de prévenir le coup qui menaçait Louis, les seigneurs bourguignons livrèrent passage au noble Écossais, qui vint se placer entre le roi et le duc. Enfonçant de côté sa toque, de dessous laquelle s’échappaient quelques mèches de cheveux blancs, pendant que ses joues pâles et son front ridé reprenaient leurs primitives couleurs, et que son œil éteint par l’âge brillait d’un nouveau feu, signal d’une résolution désespérée il tira son épée de la main droite, et rejetant son manteau de la main gauche, il se mit sur la défensive.

« J’ai combattu pour son père et pour son aïeul, s’écria-t-il ; et, par saint André ! quoi qu’il puisse résulter de tout ceci, je ne l’abandonnerai pas dans une telle crise. »

Tout ce qu’il nous a fallu quelque temps pour le rapporter se passa rapide comme l’éclair ; car à peine le duc avait-il pris une attitude menaçante, que Crawford s’était élancé entre lui et l’objet de sa vengeance, et que tous les gentilshommes français s’étaient portés du même côté aussi vite qu’il leur avait été possible.

Le duc de Bourgogne tenait toujours la main sur son épée, et semblait prêt à donner le signal de l’attaque, dont le résultat eût infailliblement été le massacre du parti le plus faible, quand Crè-