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goût pour les plaisanteries des fous de profession pendant tout le reste de sa vie. Mais dans l’occasion actuelle il ne dédaigna pas cependant de faire attention aux saillies du fou favori du duc de Bourgogne, et d’y applaudir : et cela d’autant plus volontiers même qu’il crut s’apercevoir que la folie du Glorieux, toute grossière qu’elle parût, couvrait plus de finesse et de causticité que l’on n’en remarquait ordinairement parmi les gens de cette classe.

Dans le fait, Tiel Wetzweiler, surnommé le Glorieux, était sans contredit un bouffon d’une espèce peu commune. Il était grand, bien fait, excellait dans plusieurs exercices qui paraissaient difficilement se concilier avec une intelligence faible et bornée, puisqu’il faut déployer de la patience et de l’attention pour acquérir des talents de ce genre. Il suivait ordinairement le duc à la chasse et même à la guerre ; et à la bataille de Montlhéri, quand ce prince courut un notable danger, ayant été blessé à la gorge et se trouvant sur le point d’être fait prisonnier par un chevalier français qui avait déjà saisi les rênes de son cheval, Tiel Wetzweiler chargea l’assaillant avec tant de vigueur qu’il lui fit mordre la poussière, et il dégagea son maître. Peut-être craignait-il que ce service ne fût regardé comme trop important pour un homme de sa condition, et qu’il ne lui suscitât des ennemis parmi les chevaliers et les seigneurs qui avaient laissé au bouffon de cour le soin de défendre le prince : quoi qu’il en puisse être, au lieu de rechercher les éloges que méritait cet exploit, il s’étudia à s’attirer la raillerie, et il fit tant de gasconnades sur ses faits d’armes dans cette bataille, que beaucoup de gens crurent que le secours porté par lui au duc Charles était imaginaire comme tous les contes qu’il débitait. Ce fut là ce qui lui valut le sobriquet de Glorieux, nom qu’il porta depuis, à l’exclusion du sien.

Le Glorieux avait une mise très-riche, et conservait peu de chose des signes distinctifs de sa profession ; encore ces faibles marques étaient-elles plutôt symboliques que littérales. Au lieu d’avoir la tête rasée, il portait une longue et épaisse chevelure qui, s’échappant de dessous son bonnet, venait rejoindre une barbe bien peignée et arrangée avec soin ; cette disposition laissait à découvert des traits réguliers, qui auraient même pu passer pour beaux si ses yeux n’avaient eu quelque chose d’égaré. Une bande de velours écarlate, placée transversalement au haut de son bonnet, indiquait plutôt qu’elle ne représentait le sommet ou