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introduit alors, et présenta au roi les lettres dont les dames de Croye l’avaient chargé pour lui. Ces dames se bornaient à le remercier en termes froids de la courtoisie dont il avait usé envers elles pendant le temps qu’elles étaient restées à sa cour, et, avec un peu plus de chaleur, de la permission qu’il leur avait accordée d’en sortir, ainsi que des soins qu’il avait pris de les faire conduire en sûreté hors de ses états. Ce passage fit rire Louis de bon cœur, loin qu’il en conçût du ressentiment. Il demanda alors à Charlot, d’un air qui annonçait un véritable intérêt, si, pendant le voyage, on n’avait pas éprouvé quelque alarme, si l’on n’avait pas été attaqué.

Charlot, garçon naturellement stupide et qui devait à cette qualité le choix qu’on avait fait de lui, ne rendit au roi qu’un compte fort incertain et très-vague de l’alerte dans laquelle son camarade le Gascon avait été tué, et assura qu’il n’en savait pas davantage. Louis lui fit encore des questions minutieuses sur la route qu’ils avaient prise pour se rendre à Liège ; et son intérêt parut redoubler quand Charlot lui répondit qu’en approchant de Namur ils avaient suivi la route la plus directe en côtoyant la rive droite de la Meuse, au lieu de prendre la rive gauche, comme il leur avait été recommandé de le faire. Le roi le congédia après lui avoir fait donner une petite récompense, et s’efforça de donner pour prétexte à l’inquiétude qu’il avait d’abord manifestée, la crainte que la sûreté des dames de Croye n’eût été compromise.

Quoique ces nouvelles donnassent à Louis la certitude qu’un de ses plans favoris avait échoué, elles semblèrent lui causer plus de satisfaction intérieure qu’il n’en aurait ressenti peut-être à la nouvelle d’un succès brillant. Il soupira comme un homme dont le cœur est déchargé subitement d’un pesant fardeau, prononça à demi-voix, et avec un air de ferveur profonde, des oraisons et des actions de grâces, leva les yeux au ciel, après quoi il se livra à la combinaison de nouveaux plans dont la réussite pût être plus certaine.

Dans ce dessein, il fit appeler auprès de lui son astrologue Martius Galeotti, qui ne tarda pas à se présenter avec son air de dignité empruntée ; mais son front était chargé d’un nuage de vague inquiétude, comme s’il eût douté que le roi dût lui faire un bon accueil. Il en fut cependant accueilli favorablement et avec des démonstrations d’amitié plus vives que jamais. Louis le nomma son ami, son père dans les sciences ; lui dit qu’il était le miroir à