Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

formelle, j’informai mon ami que je venais de recevoir d’Angleterre le journal d’un voyage exécuté dans le midi de la France par un jeune étudiant d’Oxford, avec qui je suis lié d’affection, littérateur, poëte, dessinateur, ouvrage dans lequel il donne une description si animée et si intéressante du château de Grignan, demeure de la fille bien-aimée de madame de Sévigné, et où elle-même faisait de fréquents séjours. J’ajoutai qu’il n’était personne qui, après avoir lu le livre et n’étant qu’à une distance de quarante milles du château, ne voulût y faire un pèlerinage. Le marquis témoigna sa vive satisfaction par un sourire, me demanda le titre entier de l’opuscule, et écrivit sous ma dictée : « Itinéraire d’un voyage fait en Provence et sur le Rhône en 1819, par John Hugues, A. M., maître ès-arts du collège Oriel, à Oxford. » Il me dit ensuite qu’il ne pouvait, quant à présent, faire emplette de livres pour le château, mais qu’il inviterait à le lui procurer le libraire chez lequel il était abonné dans une ville du voisinage. « Mais, ajouta-t-il, voici le curé qui arrive bien à propos pour mettre fin à notre discussion ; je vois aussi la Jeunesse faisant le tour du vieux portique sur la terrasse, pour aller sonner la cloche du dîner ; cérémonie assurément bien inutile pour réunir trois personnes, mais à laquelle le bon vieillard ne renoncerait pas sans éprouver le plus mortel chagrin. Ne faites aucune attention à lui pour le moment, attendu qu’il désire remplir incognito le service des départements inférieurs : lorsqu’il aura cessé de sonner, il paraîtra devant nous dans toute sa gloire, en qualité de majordome. »

Pendant que le marquis parlait ainsi, nous nous dirigions vers l’extrémité orientale du château, seule partie de l’édifice qui fût encore habitable.

« La bande noire, me dit-il, en démolissant le reste du château, pour en prendre le plomb, la charpente et autres matériaux, m’a rendu, sans y penser, le service de le réduire à des dimensions plus analogues à la fortune du propriétaire actuel. La chenille a encore trouvé dans la feuille un coin pour y cacher sa chrysalide : qu’a-t-elle à s’embarrasser de savoir quels sont les insectes qui ont dévoré le reste du buisson ? »

Comme il finissait de parler, nous arrivâmes à la porte. La Jeunesse s’y montra avec un air d’empressement et de respect et un visage qui, bien que sillonné de mille rides, était prêt à répondre à la première parole de bonté de son maître par un sourire qui