Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/320

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sibilité de sa compagne, dans un moment où la force et le courage lui étaient si nécessaires, lui défendaient de s’étendre sur le dernier, qui d’ailleurs n’était parvenu jusqu’à lui que comme une vague rumeur.

Ce récit, quoique Quentin en eût retranché les circonstances les plus importantes, fit une forte impression sur Isabelle, qui, après avoir poursuivi son chemin quelques instants en silence, dit enfin, d’un air mécontent : « Ainsi donc vous avez abandonné mon infortunée parente dans une forêt, à la merci d’un vil Bohémien et d’une femme de chambre infidèle ? Ma pauvre tante ! Elle avait coutume de louer le dévouement de notre jeune protecteur ! — Ai-je manqué à mon devoir, madame ? » répondit Quentin justement offensé de la manière dont la comtesse paraissait envisager sa conduite ? « Que serait devenue celle à qui je m’étais entièrement dévoué, si je n’avais pas laissé la comtesse Hameline de Croye sous la garde de ceux qu’elle-même avait choisis pour conseillers, la comtesse Isabelle ne serait-elle pas en ce moment l’épouse de Guillaume de la Marck, du Sanglier des Ardennes ? — Vous avez raison, » répondit Isabelle en reprenant le ton qui lui était ordinaire ; « et moi qui recueille tout le fruit d’un dévouement si absolu, j’ai pu vous accuser de bassesse et d’ingratitude ! Mais, hélas ! ma malheureuse tante est victime des intrigues de cette Marton en qui elle avait mis une confiance que cette fille méritait si peu ! C’est elle qui lui fit connaître Zamet et Hayraddin Maugrabin, dont le prétendu savoir en divination et en astrologie fascina son esprit ; c’est encore elle qui, appuyant avec force sur leurs prédictions, l’encouragea dans… je ne sais de quel terme me servir… dans de folles idées relativement à un mariage, à des amants, ce que son âge rendait ridicule et tout à fait invraisemblable. Je ne doute pas que, dès l’origine, ce ne soit l’astucieux Louis de France qui nous ait livrées à ces serpents, pour nous déterminer à nous retirer à sa cour, ou plutôt pour nous faire tomber en son pouvoir. Après que nous eûmes commis cette impardonnable imprudence, avec quelle bassesse, quelle méchanceté, de quelle manière indigne d’un homme bien né, d’un chevalier, il s’est conduit à notre égard ! Vous en avez été témoin, Durward. Mais ! ma pauvre tante… quel sort croyez-vous qu’elle puisse avoir ? »

Cherchant à lui inspirer un espoir qu’il avait à peine lui-même, Quentin lui répondit que la cupidité était la passion dominante