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plutôt sur vos domaines, dans votre château fort, ainsi que vous le disiez lorsque nous étions encore peu éloignés de Tours ? Pourquoi ne pas rassembler autour de vous les vassaux de votre père, et traiter avec le duc de Bourgogne, plutôt que de vous remettre entre ses mains ? Bien certainement il ne manquera pas de braves qui embrasseront votre défense ; et j’en sais au moins un qui sacrifierait volontiers sa vie pour donner l’exemple. — Hélas ! répondit la comtesse, ce projet suggéré par l’astucieux Louis, était, comme tout ce qu’il a jamais imaginé, plus pour son avantage que pour le mien, et il ne peut aujourd’hui être mis à exécution, puisqu’il a été livré au duc de Bourgogne par le perfide Zamet Hayraddin. Par suite de cette trahison, le duc Charles a jeté mon parent dans une prison, et mis garnison dans mon château. Toute tentative de ma part ne ferait qu’exposer mes vassaux à sa vengeance ; et pourquoi ferais-je couler plus de sang qu’il n’en a déjà été versé pour une cause qui en est si peu digne ? Non, je me remettrai entre les mains de mon suzerain, comme une fidèle vassale, me réservant la liberté qui m’appartient de choisir moi-même mon époux ; et avec d’autant plus de raison que je pense que ma tante, la comtesse Hameline, qui m’a conseillé la première, qui même m’a sollicitée de fuir, a probablement déjà pris elle-même cette sage et honorable résolution. — Votre tante ! reprit Quentin à qui ces paroles rappelèrent des circonstances que la jeune comtesse ignorait complètement, et qu’une suite de périls et d’événements des plus graves avaient effacées de sa mémoire comme étant de peu d’intérêt. — Oui… ma tante… la comtesse Hameline de Croye. Savez-vous ce qui peut lui être arrivé ? J’espère qu’elle est maintenant sous la protection de la bannière de Bourgogne. Vous gardez le silence ! qu’en avez-vous appris ? »

Cette dernière question, faite du ton de la plus vive inquiétude, obligea Quentin à faire le récit de ce qu’il savait du sort de la comtesse Hameline. Il dit comment il avait été averti de l’accompagner dans sa fuite de Schonwaldt, fuite dans laquelle il ne doutait pas que la comtesse Isabelle ne l’accompagnât ; comment il avait reconnu son erreur après avoir atteint la forêt ; enfin, comment il retourna au château, et l’état dans lequel il l’avait trouvée elle-même. Mais il ne dit rien des vues qu’avait la vieille dame en quittant Schonwaldt, ni du bruit qui courait qu’elle était tombée au pouvoir de Guillaume de la Marck : sa délicatesse lui faisait un devoir du silence sur le premier motif, et ses égards pour la sen-