Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À ces mots les convives frissonnèrent, car la communauté de Liège, et même quelques-uns des farouches soldats du Sanglier des Ardennes révéraient les Trois-Rois de Cologne, comme on les nommait communément, quoique du reste ils ne respectassent rien.

« Je n’entends point offenser leurs défuntes majestés, reprit de la Marck, je suis seulement résolu à me faire évêque. Un prince tout à la fois séculier et ecclésiastique, qui a le droit de lier et de délier, est plus convenable pour diriger une bande de réprouvés tels que vous, à qui personne n’oserait accorder l’absolution. Mais approchez, noble bourgmestre ; asseyez-vous près de moi, vous verrez comme je m’y prends pour rendre vacante la place où je veux être élevé. Qu’on amène notre prédécesseur dans ce saint siège. »

Un murmure s’éleva dans la salle, tandis que Pavillon, refusant avec modestie la place d’honneur que de la Marck venait de lui offrir, s’assit à l’autre bout de la table ; ses acolytes se pressaient derrière lui, tel qu’on voit un troupeau de moutons se rassembler derrière un vieux bélier qui, par droit et par autorité, leur semble avoir un courage supérieur au leur. Tout près de la place qu’il occupait était un très-beau jeune homme : on le disait être fils naturel du féroce de la Marck, qui parfois lui témoignait de l’affection et même de la tendresse. La mère de ce jeune homme, femme d’une beauté parfaite, et concubine du Sanglier des Ardennes, avait péri d’un coup que ce chef odieux lui avait porté dans un accès d’ivresse et de jalousie. Son triste sort fit éprouver au tyran autant de remords que son cœur était capable d’en ressentir, et il est possible que son attachement pour le fils qui survécut à cette infortunée fût dû en partie à ce triste événement. Quentin, que le vieux prêtre avait instruit de cette particularité du caractère du commandant, se plaça aussi près qu’il le put du jeune homme en question, déterminé à s’en faire ou un otage ou un protecteur, s’il ne voyait pas d’autre moyen de salut.

Tandis que chacun attendait avec inquiétude le résultat des ordres que le tyran venait de donner, un des hommes de la suite de Pavillon dit tout bas à l’oreille de Peter : « Notre maître n’a-t-il pas dit que cette femme est sa fille ? Pour quel motif donc ? Ce ne peut être sa Trudchen : cette grande gaillarde a au moins deux pouces de plus ; et je vois une touffe de cheveux noirs s’échapper de dessous son voile. Par Saint-Michel de la place du