Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/295

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ferez la plus belle action qui ait été faite par Charlemagne lui-même. Vous, madame, enveloppez-vous bien dans ce voile (car, nous le répétons, un grand nombre de vêtements de femme étaient épars sur le plancher) ; ne montrez aucune crainte ; peu d’instants suffiront pour vous mettre en liberté et en sûreté. Noble seigneur, » ajouta-t-il en s’adressant à Pavillon, « marchons. — Attendez ! attendez ! dit le syndic, j’appréhende quelque malheur. Ce Guillaume de la Marck est un démon, un vrai sanglier de caractère aussi bien que de nom. Si cette jeune dame est en effet une des comtesses de Croye, et qu’il vienne à le découvrir, que ne fera-t-il pas ? où sa colère s’arrêtera-t-elle ? — Et en admettant que je sois une de ces infortunées, » répondit Isabelle en essayant de se jeter de nouveau à ses pieds, « pourriez-vous pour cela me repousser dans ce moment de désespoir ? Oh ! que ne suis-je votre fille, la fille du plus pauvre bourgeois ! — Pas si pauvre, pas si pauvre, madame ; nous payons ce que nous devons. — Pardon, noble seigneur, répondit l’infortunée Isabelle. — Je ne suis ni noble, ni seigneur, mais un simple bourgeois de Liège qui paie ses lettres de change en bons florins. Mais cela ne fait rien à l’affaire : vous êtes comtesse, dites-vous ? en bien ! malgré cela je vous protégerai. — Fût-elle duchesse, dit Peter, vous avez donné votre parole, et vous êtes tenu de la protéger. — Bien parlé, Peter, très-bien parlé : c’est ce que dit notre vieux proverbe hollandais : Ein wort, ein man[1]. Maintenant, voyons à exécuter notre projet. Il faut que nous prenions congé de ce Guillaume de la Marck ; et cependant, je ne sais pourquoi le courage me manque lorsque j’y pense. Je serais enchanté de pouvoir me dispenser de cette cérémonie. — Puisque vous avez quelques hommes armés prêts à vous seconder, marchons vers la porte et forçons le passage, ce sera peut-être le mieux, dit Quentin. »

Mais Pavillon et son conseiller, tous deux d’une même voix, s’élevèrent contre l’inconvenance d’attaquer les soldats d’un allié, et firent si bien sentir la témérité d’une telle entreprise, que Quentin, après les avoir écoutés avec une grande attention, reconnut aisément qu’il serait imprudent de la tenter avec de tels compagnons. Ils résolurent donc de se rendre hardiment dans la grande salle, où, disait-on, le Sanglier des Ardennes était attablé, et de demander pour le syndic de Liège et ceux qui l’accompagnaient

  1. Mot à mot : une parole, un homme. a. m.