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acteurs de la Comédie française vinssent jouer, quand le roi et madame de Pompadour l’honoraient de leur visite. Là-bas, plus au centre, était la salle baronniale où s’exerçait la juridiction féodale, lorsque des criminels devaient être jugés par le seigneur ou le bailli ; car nous avions, comme vos nobles écossais, le droit de basse et haute justice, ou autrement de fosse et de fourche, fossa cum furca, comme dirait un juriste. Au-dessous est la chambre de la question ou de la torture, et vraiment je suis fâché qu’un droit aussi sujet à des abus ait été confié aux mains d’une créature vivante. « Mais, » ajouta-t-il avec un sentiment de dignité qui prenait sa source dans le souvenir des atrocités que ses ancêtres avaient commises dans les souterrains dont il me montrait les soupiraux grillés, « telles sont les conséquences de la superstition, que, même aujourd’hui, les paysans n’osent approcher de ces cachots dans lesquels, dit-on, mes aïeux commirent plus d’un acte de cruauté. »

Tandis que nous approchions de la fenêtre, car je témoignais quelque curiosité de voir ce séjour de terreur, il s’éleva de cet abîme souterrain de grands éclats de rire, que nous découvrîmes facilement provenir d’un groupe de folâtres enfants qui avaient changé le caveau en un théâtre de leurs jeux, où ils faisaient une partie de Colin-Maillard.

Le marquis se trouva un peu déconcerté et eut recours à sa tabatière ; mais se remettant promptement, il me dit : « Ce sont les enfants de Madelon ; les terreurs imaginaires de ces retraites souterraines leur sont devenues familières. D’ailleurs, pour vous dire la vérité, ces pauvres enfants sont nés depuis l’époque des prétendues lumières qui ont fait disparaître notre superstition et en même temps notre sainte religion : ceci m’amène à vous prévenir que c’est aujourd’hui un jour maigre. Le curé de la paroisse est le seul convive que nous aurons, et je ne consentirais pas volontiers à heurter ses principes. D’ailleurs, » continua-t-il d’un ton plus ferme, et mettant de côté toute espèce de contrainte, « l’adversité m’a donné sur ce sujet des idées différentes de celles que m’inspirait la prospérité, et je rends grâces à Dieu de ce que je n’ai pas honte d’avouer que je suis les commandements de mon église. »

Je me hâtai de lui répondre que, bien qu’ils pussent différer de ceux de la mienne, j’avais tout le respect possible pour les règlements religieux de toute communion chrétienne, pénétré de