Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/283

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La dame dont le bras était appuyé sur le sien le serra légèrement tandis qu’il parlait ainsi, comme pour lui faire entendre qu’une voix plus puissante implorait sa bravoure chevaleresque, tandis que le Bohémien s’écria assez haut pour être entendu : « J’appellerais une vraie frénésie chrétienne celle qui ferait retourner pour se battre quand l’amour et la fortune ordonnent de fuir le plus vite possible. Avançons, avançons ; il y a des chevaux qui nous attendent non loin d’ici, dans ce bouquet de saules. — Il n’y en a que deux, » dit Quentin, qui les aperçut à la clarté de la lune. — « Je n’aurais pu m’en procurer davantage sans éveiller des soupçons, répondit le Bohémien. D’ailleurs, ils nous suffisent. Vous les prendrez pour vous rendre à Tongres pendant que le chemin est encore sûr. Marton restera avec les femmes de notre horde, dont elle est une vieille connaissance ; car il faut que vous le sachiez, Marton est une fille de notre tribu ; elle n’est restée avec vous que pour nous servir quand l’occasion s’en présenterait. — Marton ! » s’écria la comtesse en regardant la femme voilée qui les accompagnait et en poussant un cri de surprise, « ce n’est donc pas ma parente ? — Ce n’est que Marton, répondit Hayraddin ; excusez cette petite supercherie. Je n’ai pas osé enlever les deux dames de Croye au Sanglier des Ardennes. — Misérable ! » s’écria Quentin avec fureur. « Mais il n’est pas… il ne sera pas trop tard ; je retourne au château pour délivrer la comtesse Hameline. — Hameline ! » murmura d’une voix émue la dame qui n’avait pas quitté son bras ; « elle est à votre côté, et vous remercie de lui avoir conservé la liberté. — Quoi ! comment ! que signifie ceci ! » s’écria Quentin en dégageant son bras avec beaucoup moins de politesse qu’il n’en aurait mis dans toute autre circonstance, à l’égard d’une femme même d’un rang inférieur. « La comtesse Isabelle est donc restée au château… Adieu, adieu. » Comme il se précipitait dans cette direction, Hayraddin l’arrêta : « Écoutez-moi, écoutez-moi, lui dit-il ; c’est courir à la mort ! Par tous les diables ! ne portiez-vous pas les couleurs de la vieille dame ? je ne me fierai plus désormais aux écharpes de soie, bleues, blanches, n’importe de quelle couleur ! Mais celle-ci a une dot presque aussi considérable ; elle a des joyaux, de l’or, et même des prétentions sur le comté. »

Tandis qu’il parlait ainsi en phrases entrecoupées, le Bohémien luttait contre Quentin pour chercher à le retenir ; mais celui-ci, voulant faire cesser ce débat, tira son poignard.