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Rien ne pouvait être plus agréable à Quentin que la perspective d’entrer librement dans ce jardin. Il espérait dès lors pouvoir communiquer avec l’objet de ses affections, ou du moins l’apercevoir à quelque balcon ou à la fenêtre de quelque tourelle, comme à l’auberge des Fleurs-de-Lis, ou dans la tour du dauphin au château du Plessis ; car Isabelle, dans quelque lieu qu’elle se trouvât, semblait destinée à être toujours la Dame de la tourelle.

Lorsque Durward fut descendu dans le jardin avec son nouvel ami, celui-ci lui parut un philosophe terrestre, complètement préoccupé des choses de ce bas monde qui avaient en ce moment le moins d’intérêt pour lui-même, tandis que de son côté, si ses yeux ne contemplaient pas le ciel comme ceux d’un astrologue, ils s’élevaient du moins vers les fenêtres et les balcons des tourelles qui flanquaient de tous côtés ce vieil édifice, cherchant à découvrir sa cynosure[1]. Pendant qu’il était livré tout entier à cette recherche, le jeune amant entendit, si toutefois il l’entendit, la nomenclature des plantes, des herbes et des arbustes que son révérend conducteur désignait à son attention : telle plante était précieuse parce qu’elle était d’un grand usage en médecine, telle autre l’était davantage parce qu’elle donnait une saveur exquise au potage ; une troisième, et c’était là tout son mérite, parce qu’elle était d’une grande rareté. Il fallait pourtant que Quentin parût accorder quelque attention à l’officieux naturaliste, ce qui lui était tellement difficile qu’il éprouva la tentation de l’envoyer à tous les diables, lui et tout le règne végétal. Enfin le son d’une cloche qui, appelant le chapelain à quelque devoir religieux, le força de s’éloigner, délivra le jeune homme du supplice qu’il éprouvait.

Après avoir fait une foule d’excuses fort inutiles sur la nécessité où il se trouvait de le quitter, le bon ecclésiastique finit par lui donner l’agréable assurance qu’il pouvait se promener dans ce jardin jusqu’à l’heure du souper, sans aucun risque d’être troublé. — « C’est l’endroit, lui dit-il, où je viens toujours apprendre mes homélies, parce qu’il est le plus retiré et que j’y suis moins exposé à être troublé par les étrangers. Je vais, en ce moment, en prononcer une dans la chapelle ; s’il vous plaisait de me favoriser de votre présence… On dit que je ne manque pas d’éloquence ; mais gloire en soit rendue à qui elle appartient ! »

  1. Nom sous lequel on désigne quelquefois la petite ourse, c’est-dire l’étoile polaire. a. m.