Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/269

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pour apprendre les nouvelles dont ils le présumaient porteur, et lui offrir ensuite un banquet splendide.

En dépit de toutes ses représentations et de ses refus, que l’on attribuait à la modestie, il fut entouré par les dispensateurs de la popularité, dont le flux importun se dirigeait alors vers lui. Ses deux amis les bourgmestres, qui étaient shoppen, ou syndics de la ville, le tenaient chacun sous un bras. Nikkel Blok, chef de la corporation des bouchers, qui était accouru à la hâte, marchait devant lui en brandissant avec un courage et une grâce que le brandevin seul pouvait donner, sa hache encore couverte de sang et de quelques débris de cervelle. Derrière lui se tenait, dans un état complet d’ivresse, le long et maigre Claus Hammerlein, patriote bien connu ; il était président de la compagnie des ouvriers en fer, dont un millier le suivaient dans un costume sale et avec des figures noircies qui annonçaient leur profession. Des tisserands, des cloutiers, des cordiers, des artisans de toute espèce, sortant en foule de rues étroites et sombres, venaient augmenter le cortège. S’échapper était donc impossible, et c’eût été une entreprise folle et désespérée que de l’essayer.

Dans cet embarras, Quentin eut recours à Ronslaer, qui avait un bras passé sous le sien, et à Pavillon, qui s’était emparé de l’autre, et qui tous deux le conduisaient à la tête de cette espèce de marche triomphale, dont il était devenu si inopinément la cause et l’objet. Il les informa à la hâte qu’il avait pris sans y réfléchir le bonnet de la garde écossaise, par suite d’un accident arrivé au casque qu’il devait porter pendant son voyage ; qu’il regrettait que cette circonstance et la sagacité avec laquelle les Liégeois avaient deviné sa qualité et le motif de sa présence dans leur ville eussent donné à son arrivée une si grande publicité ; ajoutant que si on le conduisait à l’Hôtel-de-Ville, il se trouverait peut-être dans la malheureuse nécessité de communiquer à l’assemblée certaines choses que le roi lui avait ordonné de réserver pour l’oreille privée de ses excellents compères Mein herrs Ronslaer et Pavillon, de Liège.

Ces dernières paroles produisirent un effet magique sur les deux citoyens, qui étaient les principaux chefs des bourgeois insurgés, et qui, comme tous les démagogues de leur espèce, désiraient ardemment conserver autant que possible la haute main dans toutes les affaires. Ils convinrent donc à la hâte que Quentin quitterait la ville pour quelques heures, et qu’il y rentrerait pen-