Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme un adieu ou un signe de triomphe. En effet, Quentin vit Marton ouvrir la petite porte et introduire le vil Bohémien, comme il le présuma naturellement, dans l’appartement des comtesses de Croye. Il se mordit les lèvres d’indignation, et se blâma sévèrement de n’avoir pas instruit les dames du caractère infâme d’Hayraddin, ainsi que des machinations diaboliques qu’il avait tramées contre leur sûreté. L’air d’arrogance avec lequel cet homme lui avait promis de le seconder dans ses projets ajoutait à la colère et au mépris qu’il lui inspirait ; il lui semblait même que la main de la comtesse Isabelle serait profanée, s’il ne devait l’obtenir que par une telle protection. « Mais tout cela n’est que déception, se dit-il, pure jonglerie, bas et grossier artifice. Il s’est procuré accès auprès des dames de Croye sous quelque faux prétexte et dans quelque intention perfide. Mais je sais maintenant où elles logent, cela me suffit ; j’épierai l’occasion de parler à Marton, et je solliciterai une entrevue avec ces dames, ne fût-ce que pour les avertir de se tenir sur leurs gardes. Il est dur que je sois contraint d’employer l’artifice et de souffrir le moindre délai, quand un pareil être est admis ouvertement et sans scrupule. Elles verront pourtant que, bien que je sois exclu de leur présence, la sûreté d’Isabelle est encore le principal objet de mes soins et de ma surveillance. »

Pendant que le jeune amant s’abandonnait à ces réflexions, un vieux gentilhomme de la maison de l’évêque, entrant dans le jardin par la même porte qui y avait donné accès à Durward, se dirigea vers lui, et le prévint, avec la plus grande politesse, que ce jardin était exclusivement réservé à l’évêque et aux personnes qui, par leur haute distinction, étaient admises dans son intimité.

Cet avis fut répété deux fois avant que Quentin fût capable de le comprendre ; sortant enfin de sa rêverie, il salua le gentilhomme, et se hâta de s’éloigner, tandis que celui-ci, continuant à le suivre, l’accablait d’excuses sur la nécessité où il était de s’acquitter d’un devoir dont l’accomplissement lui paraissait peut-être une impolitesse. Il mit une telle persistance dans ses efforts pour éloigner de l’esprit de Durward toute idée qu’il eût voulu l’offenser, qu’il alla jusqu’à lui offrir de lui tenir compagnie pour tâcher de le désennuyer. Quentin, maudissant intérieurement son importune obséquiosité, ne trouva pas de meilleur moyen pour lui échapper, que de prétexter le désir de visiter la ville voisine, et il pressa le pas de manière à ôter bientôt à