Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/242

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sur son épaule, soutenait une épée qui pendait presque horizontalement à son côté. Son haut-de-chausses, couvert de taillades d’où sortaient des bouillons de soie et de gaze de couleurs variées, était attaché par au moins cinq cents cordons ou aiguillettes de rubans à son étroite jaquette de buffle, sur la manche droite de laquelle brillait une tête de sanglier, marque distinctive de son capitaine. Un très petit chapeau était posé de travers sur sa tête, et il s’en échappait une forêt de cheveux frisés qui, tombant de chaque côté de sa large face, se mêlaient à une barbe épaisse d’à peu près quatre pouces de long. Il tenait à la main une longue lance, et son accoutrement faisait reconnaître en lui un de ces aventuriers allemands, connus sous le nom de lansquenets, en anglais lanciers, qui formaient à cette époque une partie formidable de l’infanterie. Ces mercenaires étaient, comme chacun sait, des soldats féroces et pillards ; un conte absurde s’était répandu parmi eux, savoir, que la porte du ciel avait été refusée à un lansquenet, à cause de ses vices, et celle de l’enfer, à cause de ses penchants à la mutinerie, à la révolte et à la désobéissance : aussi se conduisaient-ils comme des gens qui n’aspirent point au ciel, et qui ne redoutent nullement l’enfer. « Donner und blitz ! » tels furent ses premiers mots ; puis il continua dans une espèce de franco-allemand, que nous ne pouvons imiter que très imparfaitement : « Pourquoi vous m’avoir empêché de danser, en passant trois nuits à vous attendre. — Je n’ai pu venir plus tôt, meinheer, » répondit Hayraddin d’un air très soumis, « il y a un jeune Écossais, dont l’œil est aussi vif que celui d’un chat sauvage, et qui surveille toutes mes actions. Je lui suis déjà suspect, et, s’il voyait que ses soupçons eussent de justes fondements, je serais un homme mort, et il ramènerait en France les femmes qu’il escorte. — Was henker ! nous être trois, nous attaquer eux demain, et enlever les femmes sans plus loin aller. Vous avoir dit à moi les deux valets être des poltrons ; vous et votre camarade pouvoir vous charger d’eux, et, der Teufel ! moi faire mon affaire de votre Écossais, de votre chat sauvage. — Vous y trouverez quelque difficulté, reprit Hayraddin ; car, outre que nous ne comptons pas pour beaucoup dans un combat, ce galant a fait ses preuves avec le meilleur chevalier de France, et s’en est tiré avec honneur. Je l’ai vu serrer Dunois assez vertement. — Hagel und sthurmwetter ! c’est votre poltronnerie qui vous fait parler ainsi ! — Je ne suis pas plus poltron que vous ; mais mon métier n’est pas de me battre.