Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/241

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soient point amicales, comme il y a tout lieu de le penser, ils me feront un mauvais parti : alors la comtesse Isabelle perdra son pauvre ami ! Mais que dis-je ? il ne serait pas digne de ce nom, celui qui craindrait de faire face à une douzaine de tels adversaires pour la servir. Mon épée ne s’est-elle pas mesurée avec celle de Dunois, avec le plus brave chevalier de France ? et je craindrais une bande de pareils vagabonds ? Non, non ; avec l’aide de Dieu et de saint André, ils me trouveront ferme autant que prévoyant. »

Ayant pris ce parti, et avec cette prudence que lui avait donnée l’habitude de la chasse, notre héros descendit dans le lit du petit ruisseau ; la profondeur en était inégale, et quelquefois l’eau couvrait à peine ses souliers, dans d’autres moments elle lui montait jusqu’aux genoux. Il s’avança donc entièrement caché par les branches qui retombaient sur la rive, et le murmure de l’eau empêchait qu’on n’entendît le bruit de ses pas : c’est ainsi que jadis nous nous sommes souvent approchés du nid du corbeau vigilant. De cette manière Quentin se glissa, sans être aperçu, assez avant pour entendre distinctement la voix de ceux qu’il voulait observer, mais sans pouvoir distinguer ce qu’ils disaient. Enfin, ayant pénétré sous un magnifique saule pleureur dont les branches recourbées balayaient presque la surface des eaux, il en saisit une, puis mettant en œuvre toute son agilité, toute sa force et toute son adresse, il s’en aida pour grimper sur l’arbre, et parvint à s’y asseoir sans crainte d’être découvert, étant protégé par le feuillage.

De là il vit que la personne avec laquelle Hayraddin s’entretenait alors était un homme de sa tribu ; mais en même temps, et à sa grande mortification, il reconnut que, quand même il serait encore plus près d’eux, il ne pourrait comprendre leur langage, qui lui était totalement inconnu. Ils riaient beaucoup ; et comme Hayraddin, faisant un signe qui semblait indiquer qu’il s’était enfui, finit par se frotter les épaules, Durward ne douta pas qu’il ne racontât l’histoire de la fustigation qui lui avait été administrée avant sa fuite du couvent.

Tout à coup on entendit dans le lointain un nouveau coup de sifflet ; Hayraddin y répondit en tirant de son cor deux ou trois faibles sons, comme il l’avait fait en arrivant, et bientôt après parut un homme grand et vigoureux, qui avait l’air d’un soldat, et dont les formes robustes contrastaient en tout point avec les membres minces et frêles des Bohémiens. Un large baudrier, passant