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guide suspect, demanda à Hayraddin s’il n’était pas vrai que son peuple, malgré l’ignorance dans laquelle il était plongé, prétendait avoir la connaissance de l’avenir, connaissance qui n’avait point été donnée aux sages, aux philosophes et aux prêtres d’une société plus policée ?

— « Nous le prétendons, répondit Hayraddin, et c’est avec raison. — Comment un don si précieux a-t-il été accordé à une race si abjecte ? — Puis-je vous le dire ? Cependant, oui, je le puis ; mais, ce sera quand vous m’aurez expliqué pourquoi le chien peut suivre à la piste les pas de l’homme, tandis que l’homme, animal plus noble, ne saurait suivre ceux du chien. Ce pouvoir qui vous paraît si merveilleux, notre race le possède d’instinct. D’après les traits du visage et les lignes de la main, nous pouvons prédire leur sort futur à ceux qui nous consultent, avec autant de certitude qu’en examinant la fleur d’un arbre, au printemps, vous direz quel fruit il portera en automne. — Je doute de ta science, et je te défie de m’en donner une preuve. — Ne m’en défiez pas, sire écuyer… À quelle religion que vous prétendiez appartenir, je puis vous dire que la déesse que vous adorez se trouve dans cette compagnie. — Paix ! » dit Quentin saisi d’étonnement ; « sur ta vie ne prononce pas un mot de plus, si ce n’est pour répondre aux questions que je t’adresse. Peux-tu être fidèle ? — Je peux tout ce qui est possible à un homme. — Mais veux-tu l’être ? — « Si je le jurais m’en croirais-tu davantage ? » répondit le Maugrabin d’un ton sarcastique. — « Ta vie est entre mes mains, tu le sais. — Frappe, et tu verras si je crains la mort. — L’argent peut-il faire de toi un guide sûr et fidèle ? — Non, si je ne le suis pas sans cela. — Alors, dis-moi quel lien je dois employer. — La bonté. — Te ferai-je serment d’en avoir pour toi si tu nous es fidèle pendant ce voyage ? — Non. Ce serait prodiguer à la légère une denrée rare. Je te suis déjà dévoué. — Comment ? » s’écria Durward plus étonné que jamais. — « Souviens-toi des châtaigniers sur les bords du Cher. La victime dont tu voulus sauver les jours, était mon frère ; c’était Zamet le Maugrabin. — Et cependant je te trouve en relation avec ces mêmes officiers par qui ton frère a été mis à mort : car c’est l’un d’eux qui m’a indiqué l’endroit où je te trouverais ; et c’est le même sans doute qui t’a donné comme guide à ces dames. — Que pouvons-nous faire ? » répondit Hayraddin d’un air sombre. « Ces hommes nous traitent comme le chien du berger traite le troupeau : il le protège pendant quelque temps, le fait aller çà et