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voilà qui fait un mouvement. Je ne venais que dans le dessein d’enlever cette jeune comtesse et devenir propriétaire de ses domaines en l’épousant : voyez ce qui en résulte. Ordonnez à votre canaille de se tenir à l’écart ; que personne ne porte les yeux sur lui. » En parlant ainsi, il leva la visière du duc, et lui jeta sur le visage de l’eau que lui fournit le lac voisin.

Cependant Quentin restait comme pétrifié, tant les aventures se succédaient pour lui avec une étonnante rapidité ! Les traits pâles de son premier antagoniste lui apprenaient en ce moment qu’il avait renversé le premier prince du sang de France ; et les paroles du second, que c’était avec le meilleur champion du royaume, le fameux Dunois, qu’il venait de mesurer son épée. Ces deux faits d’armes étaient très-honorables en eux-mêmes ; mais le roi les regarderait-il comme méritoires ? c’était une autre question.

Le duc, ayant repris connaissance, était en état de se tenir sur son séant et d’écouter ce qui se passait entre Dunois et Crawford, le premier insistant vivement sur ce qu’il n’était nullement nécessaire de faire mention du nom du très-noble duc d’Orléans dans cette affaire, puisqu’il était prêt à prendre tout le blâme sur lui seul et à affirmer que le duc ne l’avait suivi que par amitié.

Lord Crawford l’écoutait les yeux baissés, soupirait de temps en temps, et secouait la tête. Enfin il se redressa, et répondit : « Tu sais, Dunois, que, par respect pour la mémoire de ton père aussi bien que par l’amitié que je te porte à toi-même, je désirerais bien volontiers te rendre service. — Je ne demande rien pour moi, répondit Dunois ; je t’ai rendu mon épée, et je suis ton prisonnier ; que faut-il de plus ? Mais c’est pour ce noble prince, le seul espoir de la France, si Dieu nous enlevait le dauphin. Il n’est venu ici que pour me faire plaisir, pour m’aider à faire ma fortune : le roi m’y avait en quelque sorte encouragé. — Dunois, répliqua Crawford, si tout autre que toi me disait que tu as entraîné le noble prince dans cette fâcheuse affaire pour te servir dans quelque projet, je lui dirais sans hésiter qu’il en a menti ; et quoique tu me le dises toi-même, j’ai peine à croire que ce soit la vérité. — Noble Crawford, » dit le duc d’Orléans qui était entièrement revenu de son évanouissement, « votre caractère ressemble trop à celui de votre ami Dunois pour que vous ne lui rendiez pas justice. C’est effectivement moi qui l’ai entraîné ici pour une folle entreprise suggérée par une folle passion, et exécutée avec pré-