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je ne doute pas que vous ne soyez trouvé digne d’une promotion qui vous dispensera de rendre compte de vos actions à qui que ce soit ; car elle vous placera à la tête de gens qui seront obligés eux-mêmes de vous rendre compte des leurs. »

Ainsi parla Olivier le Diable, qui peut-être bien calculait dans son esprit les chances probables que le pauvre jeune homme, à qui il serrait affectueusement la main, courait de trouver la mort ou la captivité dans l’entreprise confiée à ses soins.

Quelques minutes avant minuit, Quentin, conformément à ses instructions, se rendit dans la seconde cour, et s’arrêta au pied de la tour du Dauphin, qui, comme le lecteur le sait déjà, avait été assignée pour résidence temporaire aux comtesses de Croye. Il trouva à ce rendez-vous les hommes et les chevaux qui devaient composer l’escorte, deux mules déjà chargées de bagage, trois palefrois destinés aux deux comtesses et à une fidèle femme de chambre, et pour lui-même un superbe cheval de guerre, dont la selle garnie en acier brillait à la pâle lueur de la lune. Pas un mot de reconnaissance ne fut prononcé de part ni d’autre. Les hommes se tenaient sur leurs selles comme s’ils eussent été immobiles, et, à la même lueur imparfaite, Quentin vit avec plaisir qu’ils étaient tous armés et qu’ils avaient de longues lances à la main. Ils n’étaient que trois, mais l’un d’eux dit tout bas à Quentin, avec un accent gascon fortement prononcé, que leur guide devait les joindre au delà de Tours.

Pendant ce temps, des lumières brillaient çà et là à travers les jalousies de la tour, comme si ses habitants se donnaient beaucoup de mouvement pour faire les préparatifs du départ. Enfin, une petite porte qui donnait sur la cour s’ouvrit, et il en sortit trois femmes accompagnées d’un homme enveloppé d’un manteau. Elles montèrent, sans proférer un seul mot, sur les palefrois qui les attendaient ; et l’homme qui les accompagnait, marchant devant elles, donna les mots d’ordre et fit les signaux aux sentinelles vigilantes devant lesquelles la cavalcade passa successivement. Arrivé enfin à l’extérieur de ces formidables barrières, ce même homme, qui était à pied, s’arrêta, et parla quelques instants à voix basse et d’un air préoccupé aux deux dames, qu’il fit passer en avant.

« Que le ciel vous bénisse, Sire, » dit une voix qui fit tressaillir le cœur de Durward, « et qu’il veuille même vous pardonner si vos vues sont plus intéressées que vos paroles ne l’expriment !