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chose de la nature de ce que vous venez d’indiquer, l’exécution n’en sera pas confiée à ce jeune homme, et même qu’il ne sera pas instruit de cette partie de nos projets. — Vous agirez sagement en ceci, mon royal frère. On peut aussi appréhender quelque chose de la témérité de votre jeune envoyé, défaut inhérent aux personnes d’un tempérament sanguin. Mais je maintiens, d’après les règles de l’art, que cette chance ne doit pas être mise en balance contre les autres qualités découvertes par son horoscope et autrement. — Le milieu de la nuit prochaine, l’heure de minuit, sera-t-il une heure favorable pour commencer un voyage dangereux ? Tenez, voici vos éphémérides… vous voyez la position de la lune à l’égard de Saturne et l’ascendant de Jupiter. Cela devrait, ce me semble… je parle avec toute la soumission qui est due à la supériorité de vos connaissances… présager le succès à celui qui envoie une expédition à une pareille heure. — Il est vrai, » dit l’astrologue après un moment de réflexion, « cette conjonction promet le succès à celui qui envoie l’expédition ; mais il me semble que Saturne étant en combustion, elle menace de dangers et de malheurs celui qui est envoyé, — d’où j’infère que le voyage peut être dangereux et même fatal pour ceux qui seront chargés de le faire. Violence et captivité, voilà, selon moi, ce que présage cette conjonction défavorable. — Violence et captivité pour ceux qui partent, répondit le roi, mais succès pour celui qui les envoie : n’est-ce pas dans cet ordre qu’il faut lire le présage, mon docte père ? — Certainement, répondit l’astrologue. »

Louis se tut sans laisser voir jusqu’à quel point cette prédiction s’accordait avec ses vues, prédiction que l’astrologue avait probablement hasardée, parce qu’il avait reconnu que la mission dont il s’agissait avait rapport à quelque projet dangereux. Ce projet, comme le lecteur le sait, était de livrer traîtreusement la comtesse Isabelle de Croye entre les mains de Guillaume de la Mark, chef distingué par son caractère turbulent et sa farouche bravoure.

Le roi tira alors un papier de sa poche, et avant de le donner à Martivalle, il lui dit d’un ton qui ressemblait à une apologie : « Savant Galeotti, ne soyez pas surpris que, trouvant en vous l’oracle le plus précieux, un sage supérieur à tout autre sage de nos jours, sans en excepter le grand Nostradamus[1] lui-même, je désire fréquemment profiter de votre science dans ces doutes

  1. C’est un anachronisme ; Nostradamus, né en 1505, n’ayant publié ses prophéties qu’en l’an 1555. a. m.