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maître avec un cœur chargé de ressentiment ; je consens donc à courir quelques risques ; car je n’ai jamais craint d’exposer ma vie pour le bien de mon royaume. Suis-moi. »

Louis conduisit son jeune garde du corps, pour qui il semblait éprouver une affection toute particulière, par la porte latérale par laquelle il était entré lui-même, et dit en la lui montrant : « Il faut que celui qui veut réussir à la cour connaisse tous les guichets secrets et tous les escaliers dérobés… oui, même les pièges et les trappes du palais, aussi bien que les entrées principales, les portes à deux battants et les vastes issues. »

Après avoir fait plusieurs détours et parcouru divers passages, le roi entra dans une petite chambre voûtée où l’on avait préparé une table à trois couverts pour le dîner. Tout l’ameublement, toute la décoration de cette chambre était d’une simplicité qui allait presque jusqu’à la mesquinerie. Le buffet, espèce d’armoire mobile, à double porte, et qui contenait un petit nombre de pièces de vaisselle d’or et d’argent, était le seul objet qui fît reconnaître la demeure d’un roi. Derrière ce meuble, qui le cachait complètement, Louis assigna son poste à Quentin Durward ; et après s’être assuré, en se plaçant tour à tour dans les diverses parties de la chambre, qu’il ne pouvait être aperçu d’aucun côté, il lui donna ses dernières instructions : Souviens-toi du mot d’ordre, Écosse, en avant ! et au moment même où je le prononcerai renverse ce buffet, sans t’inquiéter ni des coupes ni des gobelets, et ajuste Crèvecœur avec fermeté. Si tu le manques, fonds sur lui, ton couteau à la main. Olivier et moi, nous viendrons à bout du cardinal.

Cela dit, il donna un coup de sifflet ; aussitôt parut Olivier, qui était premier valet de chambre aussi bien que barbier du roi, et qui, dans le fait, remplissait auprès de Louis toutes les fonctions qui avaient un rapport immédiat avec sa personne. Il était suivi de deux vieillards, seuls domestiques chargés de servir à table. Aussitôt que Louis eut pris place, les deux convives furent admis ; et Quentin, quoique inaperçu lui-même, était posté de manière à ce qu’aucun des détails de cette entrevue ne lui échappât.

Le roi accueillit ses convives avec une cordialité que Quentin eut beaucoup de peine à concilier avec les instructions qu’il venait de recevoir, et avec le but dans lequel il venait d’être placé derrière le buffet avec une arme prête à lancer la mort. Non-seulement le roi paraissait exempt de toute espèce de crainte, mais on aurait pu penser que les personnes à qui il avait fait l’insigne