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fort heureusement avait distingué et suivi le son du cor du roi, survint en ce moment, et perça le sanglier de son épieu.

Le roi, qui dans cet intervalle s’était relevé, vint à son tour au secours de Durward et enfonça son épée dans la gorge de l’animal abattu. Avant de dire un seul mot à Quentin, il en mesura la longueur, non-seulement par le nombre de pas, mais en calculant les pieds et les pouces ; puis, essuyant la sueur de son front et le sang qui ruisselait sur ses mains, il ôta son chapeau de chasse, le suspendit à un buisson, et adressa dévotement ses prières aux petites images de plomb dont il était garni. Se tournant ensuite vers Durward : « Est-ce toi, mon jeune Écossais ? lui dit-il : tu as très-heureusement commencé ton cours de vénerie, et maître Pierre te doit un aussi bon régal que celui qu’il t’a donné aux Fleurs-de-Lis… Eh bien ! pourquoi ne parles-tu pas ? As-tu donc perdu toute la hardiesse et toute ton ardeur à la cour, où tant de gens trouvent l’une et l’autre ? »

Quentin, jeune homme aussi fin et aussi prudent qui jamais ait respiré l’air de l’Écosse, était trop adroit pour se prévaloir de la dangereuse familiarité dont il semblait ainsi invité à profiter. Il répondit brièvement, mais en termes choisis, que s’il osait adresser la parole à Sa Majesté, ce serait pour la prier de lui pardonner la hardiesse rustique avec laquelle il s’était conduit lorsqu’il ignorait la supériorité de son rang.

« Bah ! laissons cela, dit le roi ; je te pardonne ta hardiesse en faveur de ton esprit et de ton ardeur. J’ai admiré la justesse avec laquelle tu as à peu près deviné la profession de mon compère Tristan. Tu as été bien près de recevoir un échantillon de son savoir-faire, à ce que j’ai appris. Je te conseille de te méfier de lui ; c’est un marchand qui trafique en bracelets un peu durs et en colliers bien serrés. Aide-moi à remonter sur mon cheval. Tu me plais, et je veux te faire du bien. Ne compte sur la faveur de qui que ce soit, excepté sur la mienne, pas même sur ton oncle, ou sur lord Crawford… et ne dis mot du secours que tu m’as donné si à propos dans cette affaire du sanglier ; car celui qui se vante d’avoir rendu service à un roi dans un cas aussi pressant doit être sûr que le plaisir de se vanter sera son unique récompense. »

Alors le roi sonna du cor, et Dunois ainsi que plusieurs autres chasseurs ne tardèrent pas à arriver près de lui : tous lui adressèrent sur la mort d’un si noble animal des félicitations dans les-