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ronne, je préférerais que la maison d’Orléans ne me fournît que de vaillants soldats, tels que ton père et toi, dans les veines de qui coule le sang royal, sans qu’ils puissent en réclamer les droits. Le lion ne devrait jamais avoir qu’un lionceau. »

Dunois soupira et garda le silence, bien convaincu que chercher à contredire un maître aussi absolu que Louis, ce serait s’exposer à nuire aux intérêts de son parent, sans les servir en aucune manière. Cependant il ne put s’empêcher d’ajouter presque aussitôt :

« Puisque Votre Majesté fait allusion à la naissance de mon père, je dois avouer que, mettant à part la fragilité des auteurs de ses jours, on peut le regarder comme plus heureux, plus fortuné d’avoir été le fruit d’un amour illégitime que d’avoir puisé la vie dans la haine conjugale. — Tu es un mauvais sujet, Dunois, d’oser parler ainsi du saint sacrement du mariage ! Mais au diable tous ces discours ! voilà le sanglier en campagne. Lâchez les chiens, au nom du bienheureux saint Hubert ! Ah, ah ! tra-la-la lira-là ! »

Et le roi fit retentir les sons joyeux de son cor dans la forêt, tandis qu’il poussait la chasse en avant, suivi de deux ou trois de ses gardes, au nombre desquels se trouvait notre ami Quentin Durward. Nous ne devons pas omettre ici un fait digne de remarque : c’est que, malgré l’ardeur avec laquelle il se livrait à son divertissement favori, le roi, toujours fidèle à son caractère caustique, trouva le moyen de s’amuser en tourmentant le cardinal de la Balue.

Au nombre des faiblesses de cet habile homme d’État, on comptait, comme nous l’avons déjà donné à entendre, celle de se croire, malgré la bassesse de sa naissance et son éducation bornée, propre à jouer le rôle de courtisan et d’homme à bonnes fortunes. Il est vrai qu’il n’entrait pas en lice comme Becket[1] qu’il ne levait pas des troupes comme Wolsey[2] ; mais la galanterie, dans laquelle tous les deux s’étaient distingués, était un des talents dont il se faisait le plus de mérite, et il affectait également une grande passion pour le divertissement guerrier de la chasse. Mais quelque succès qu’il pût obtenir auprès de certaines femmes auxquelles son pouvoir, sa richesse et son influence comme

  1. L’un des courtisans les plus galants de la cour de Henri II, roi d’Angleterre, Thomas Becket devint chancelier du royaume. Promu malgré lui à l’archevêché de Cantorbéry et revêtu de la dignité de primat, il eut avec le roi de longs et graves démêlés, qui se terminèrent par une mort violente : il fut assassiné dans son église, au pied de l’autel. a. m.
  2. Wolsey, cardinal et premier ministre de Henri VIII. a. m.