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cœur est devant la porte du château, avec son cortège de trompettes et de poursuivants d’armes, et déclare que, puisque Votre Majesté refuse de lui donner l’audience que son maître lui a ordonné de demander pour affaires de l’intérêt le plus pressant, il y restera jusqu’à minuit ; qu’il se présentera à Votre Majesté, à quelque heure qu’il vous plaise d’en sortir, soit pour affaires, soit pour vous promener, soit pour quelque acte de dévotion, et que rien au monde, excepté l’emploi de la force ouverte ne pourra le faire renoncer à sa résolution. — C’est un fou, » dit le roi avec beaucoup de calme. « Pense-t-il, ce Flamand à tête chaude, que ce soit une pénitence pour un homme de bon sens de rester pendant vingt-quatre heures tranquillement enfermé dans son château, lorsqu’il a pour s’occuper les affaires d’un royaume ? Ces esprits brouillons, dans leur pétulance, s’imaginent qu’on ne peut être heureux que le derrière sur la selle et le pied à l’étrier. Qu’on fasse rentrer les chiens, et qu’on en ait soin, mon cher Dunois… nous tiendrons conseil aujourd’hui, au lieu d’aller à la chasse. — Votre Majesté ne se débarrassera pas ainsi de Crèvecœur, car ses instructions portent que, s’il n’obtient pas l’audience qu’il demande, il clouera son gantelet aux palissades du château, en signe de défi à mort de la part de son maître, et que le duc Charles renonce à foi et hommage envers la France ; en un mot, qu’il vous déclare la guerre à l’instant. — Ah ! » dit Louis sans laisser apercevoir aucune altération dans le son de sa voix, mais en fronçant ses épais sourcils jusqu’à rendre presque invisibles ses yeux noirs et perçants, « nous en sommes donc là ? Notre ancien vassal prend ce ton de maître ? Notre cher cousin nous traite d’une manière aussi peu cérémonieuse ? Eh bien ! Dunois, il faut déployer l’oriflamme, et crier : Montjoie saint Denis ! — Amen ! À la bonne heure ! » s’écria le belliqueux Dunois ; et les gardes qui étaient dans la salle, incapables de résister à la même impulsion, firent un mouvement, chacun à son poste, d’où il résulta un cliquetis d’armes bien distinct, quoique faible et de courte durée. Le roi leva les yeux, et son regard, qu’il promena autour de lui d’un air de satisfaction et de fierté, exprimait des sentiments dignes de son valeureux père.

Toutefois l’enthousiasme ne tarda pas à faire place à une foule de considérations politiques qui, dans cette conjoncture, rendaient une rupture ouverte avec la Bourgogne particulièrement périlleuse. Édouard IV, roi brave et victorieux, qui avait combattu