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Cependant Olivier, après avoir traversé la salle d’audience avec cette démarche furtive et clandestine que nous avons essayé de décrire (tout le monde, les plus grands personnages eux-mêmes, se dérangeant pour lui livrer passage et l’accablant d’obséquieuses civilités auxquelles sa modestie semblait vouloir se dérober), rentra dans l’appartement intérieur, dont, un moment après, les portes s’ouvrirent pour le roi Louis.

Quentin, comme tous les autres, tourna les yeux de ce côté, et tel fut son saisissement, qu’il laissa presque échapper son arme lorsqu’il reconnut dans le roi de France ce marchand de soie, ce maître Pierre dont il avait fait la rencontre et avec qui il avait passé la matinée précédente. De vagues soupçons sur le rang de ce personnage s’étaient à diverses reprises présentées à son esprit ; mais ce qu’il voyait en ce moment, cette réalité palpable, dépassait les bornes de toutes les conjectures imaginables.

Un regard sévère du Balafré, mécontent que son neveu oubliât le décorum du service, rappela Quentin à lui-même ; mais il ne fut pas peu surpris lorsque le roi, dont l’œil perçant l’avait aperçu sur-le-champ, marcha droit vers lui, sans faire attention à personne autre, et lui dit : « Eh bien ! jeune homme, j’apprends que vous avez fait le tapageur dès le premier jour de votre arrivée en Touraine ; mais je vous le pardonne, parce qu’il faut avant tout en accuser un vieux fou de marchand, qui a cru que votre sang calédonien avait besoin d’être échauffé le matin avec du vin de Beaune. Si je puis le trouver, j’en ferai un exemple qui rendra sages ceux qui débauchent mes gardes. Balafré, » ajouta-t-il en s’adressant à Lesly, « votre parent est un brave jeune homme, quoique trop pétulant peut-être. Nous aimons ces caractères-là, et nous nous proposons de faire plus que jamais pour les braves gens qui nous entourent. Mettez par écrit l’année, le jour, l’heure et la minute de sa naissance, et vous donnerez cette note à Olivier le Dain. »

Le Balafré s’inclina jusqu’à terre, puis reprit l’attitude perpendiculaire d’un soldat, comme pour montrer avec quelle promptitude il soutiendrait la querelle du roi, ou prendrait sa défense.

Cependant Quentin, revenu de sa première surprise, examinait avec plus d’attention la physionomie du roi, et son étonnement redoubla encore lorsqu’il reconnut que ses traits et ses manières lui paraissaient tout différents de ce qu’il les avait jugés la veille. Il ne s’était pourtant pas opéré un grand changement à cet égard