Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quable était le comte de Dunois, fils du célèbre Dunois, connu sous le nom de Bâtard d’Orléans, qui, combattant sous la bannière de Jeanne d’Arc, joua un rôle si distingué dans la lutte qui affranchit la France du joug des Anglais. Son fils soutenait dignement le poids d’une telle gloire et l’honneur d’une si noble origine ; et malgré son affinité à la famille royale et sa popularité, popularité qui le suivait parmi les nobles aussi bien que parmi le peuple, Dunois avait montré, en toute occasion un caractère tellement ouvert, franc et loyal, qu’il semblait même avoir échappé à tout soupçon du méfiant Louis, qui aimait à le voir près de sa personne, et l’appelait quelquefois à ses conseils. Quoiqu’il eût la réputation d’un homme accompli dans tous les exercices de la chevalerie, et d’être ce qu’on appelle un parfait chevalier, le comte était loin d’offrir le modèle idéal d’un héros de roman. Quoique fortement constitué, sa taille était au-dessous de la moyenne, et ses jambes un peu courbées en dedans, forme plus commode pour un cavalier qu’élégante pour un piéton. Il avait les épaules larges, les cheveux noirs, le teint basané, les bras singulièrement longs et nerveux ; les traits de son visage étaient d’une irrégularité qui allait jusqu’à la laideur : et cependant il régnait dans sa physionomie un air de noblesse et de dignité qui, dès le premier coup d’œil, faisait reconnaître en lui un gentilhomme de haute naissance et un soldat intrépide. Son maintien était droit et fier, sa démarche aisée et majestueuse, et la dureté de ses traits ennoblie par un coup d’œil vif comme celui de l’aigle et menaçant comme celui du lion. Il portait ce jour-là un habit de chasseur, plutôt somptueux qu’élégant ; car il lui arrivait très souvent de remplir les fonctions de grand veneur, quoique rien ne nous porte à croire qu’il en eût réellement le titre.

Louis, duc d’Orléans, premier prince du sang, et à qui les gardes ainsi que l’assemblée tout entière rendaient les honneurs dus à cette qualité, venait ensuite : son bras passé dans celui de Dunois, sa démarche lente et mélancolique, semblaient indiquer qu’il avait besoin de l’appui de son parent. Objet de la jalouse surveillance et des soupçons de Louis, ce prince qui, si le roi mourait sans enfants mâles, devenait l’héritier présomptif de la couronne, ne pouvait s’absenter de la cour, où cependant il n’était revêtu d’aucun emploi et ne jouissait d’aucun crédit. L’abattement que cet état de dégradation et presque de captivité imprimait naturellement à sa physionomie était en ce moment fortement