Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/119

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afin qu’il puisse jouir de nos privilèges. — Avec la permission de Votre Seigneurie, dit Durward, je… — A-t-il donc perdu la tête ? s’écria son oncle. Tu oses parler à Sa Seigneurie, avant qu’elle t’ait adressé une question ? — Patience, Ludovic, dit lord Crawford ; sachons ce que ce garçon a à dire. — Uniquement, n’en déplaise à Votre Seigneurie, répondit Quentin, que j’avais dit ce matin à mon oncle que je n’étais pas bien décidé à prendre du service dans cette troupe. Mais je déclare maintenant que je n’ai plus rien qui m’arrête, depuis que j’ai vu le noble et respectable chef sous lequel je vais servir ; car son aspect annonce l’autorité. — Fort bien parlé, mon garçon, » dit le vieux lord, qui ne fut pas insensible à ce compliment ; « si nous avons acquis quelque expérience, Dieu nous a fait la grâce d’en profiter, tant en obéissant qu’en commandant. Vous voilà reçu, Quentin, dans l’honorable corps des archers de la garde écossaise, comme écuyer de votre oncle et servant sous sa lance. J’espère que vous ferez votre chemin ; car vous devez devenir un véritable homme d’armes, si, comme on le dit, tout ce qui vient de haut lieu est brave, car vous descendez d’une noble race. Ludovic, vous aurez soin que votre neveu suive exactement ses exercices, car il est possible qu’avant peu nous ayons quelques lances à rompre. — Par la poignée de mon sabre, j’en suis bien aise, milord, dit le Balafré ; cette paix ne fait de nous que des poltrons. Moi-même, je ne me sens plus la même ardeur, enfermé sans cesse comme je le suis dans ce maudit donjon. — Eh bien ! continua lord Crawford, un oiseau m’a sifflé à l’oreille que bientôt la vieille bannière flottera de nouveau dans les champs. — J’en boirai ce soir un coup de plus sur cet air, dit le Balafré. — Tu boiras sur tous les airs imaginables, Ludovic, lui répondit lord Crawford ; et j’ai bien peur que tu ne boives quelque jour une bière amère que tu te seras brassée toi-même. »

Lesly répliqua, d’un air un peu confus, que cela ne lui était pas arrivé depuis long-temps, mais que Sa Seigneurie savait fort bien qu’il était d’usage dans la compagnie de faire carrousse[1] à la santé d’un nouveau camarade. — « C’est vrai, dit le vieux chef ; j’avais oublié cette circonstance. Je vous enverrai quelques mesures de vins, pour vous aider à faire votre carrousse ; mais que ce soit fini au coucher du soleil. Et, écoutez-moi : faites attention à

  1. Joyeuse orgie. Carrousse est une expression écossaise et allemande à la fois. a. m.