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félon excommunié. » Des larmes involontaires vinrent alors mouiller ses yeux. Trois-Échelles, lui frappant doucement sur l’épaule, le félicita gravement de sa résignation à la mort, et, s’écriant d’un ton pathétique : « Beati qui in Domino moriuntur[1] ! » il ajouta qu’elle « était heureuse, l’âme qui quittait le corps pendant que l’on avait la larme à l’œil. » Petit-André, lui touchant l’autre épaule, lui cria : « Courage, mon cher enfant ! puisqu’il faut que vous entriez en danse, ouvrez le bal gaiement ! car les rebecs[2] sont d’accord ; » et en même temps il faisait vibrer sa corde pour faire mieux sentir le sel de sa plaisanterie. Comme le jeune homme les regardait l’un après l’autre avec l’expression du découragement, ils se firent entendre plus clairement en le poussant vers l’arbre fatal, et en l’exhortant à avoir bon courage, attendu que l’affaire serait terminée en un instant.

Dans cette affreuse situation, Quentin jeta autour de lui un regard de désespoir. « Y a-t-il ici quelque bon chrétien qui m’entende, dit-il, et qui veuille aller dire à Ludovic Lesly, archer de la garde écossaise, surnommé en ce pays le Balafré, que son neveu va mourir indignement assassiné ? »

Ces mots furent prononcés fort à propos, car un archer de la garde écossaise, qu’avaient attiré les apprêts de l’exécution, se trouvait au milieu d’un petit groupe de gens qui, conduits par le hasard dans cet endroit, s’étaient arrêtés pour voir ce qui se passait.

« Prenez garde à ce que vous faites ! cria-t-il aux bourreaux ; si ce jeune homme est Écossais, je ne souffrirai pas qu’on le mette à mort injustement. — À Dieu ne plaise, monsieur l’archer ! mais nous devons exécuter nos ordres, » dit Trois-Échelles en tirant Durward par un bras pour le faire avancer. — « Le plus court est toujours le meilleur, » ajouta Petit-André en le tirant par l’autre.

Mais Quentin venait d’entendre des paroles d’espérance ; faisant usage de toutes ses forces, il se débarrassa des exécuteurs de la haute justice, et, les bras encore liés, courut se réfugier près de l’archer écossais. « Protégez-moi, mon compatriote, » lui dit-il dans sa propre langue ; « au nom de l’Écosse et de saint André, protégez-moi ! Je suis innocent : protégez-moi, au nom de notre foi commune dans la justice divine au jour du jugement dernier ! — Par saint André ! ils ne parviendront jusqu’à vous qu’à travers mon corps, » dit l’archer en tirant son épée. — « Coupez mes liens,

  1. Heureux ceux qui s’endorment dans le sein de Dieu. a. m.
  2. Sorte de violon à trois cordes. a. m.