Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/93

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sur le tapis, bien que la petite parût désirer vivement de rester sur les genoux de la comtesse, ce que la souveraine de Man aurait certainement vu avec plaisir si l’enfant eût tiré son origine de parents patriciens et royalistes.

« Je ne vous blâme pas, dit-elle, personne ne sait jusqu’où la tentation peut nous abaisser. Cependant je croyais que Peveril du Pic eût préféré habiter au fond des cavernes plutôt que d’avoir quelque obligation à un régicide. — Mon voisin, madame, reprit le chevalier, sans être irréprochable, n’est pas aussi méchant que vous pouvez le croire ; il est presbytérien, je l’avoue, mais non indépendant. — C’est une espèce provenant toujours du même monstre, dit la comtesse. Ceux-là excitaient la même et sonnaient du cor, tandis que les autres chassaient ; ils enchaînaient, ils garrottaient la victime que les indépendants égorgeaient ensuite. De ces deux sectes, je préfère encore les indépendants. Du moins ils agissent à visage découvert ; ils sont audacieux, sans pitié. Ils tiennent beaucoup plus du tigre que du crocodile. Je ne doute plus alors que ce ne soit ce digne gentilhomme qui ce matin a osé prendre sur lui de… »

Elle s’arrêta subitement, car elle avait remarqué sur le visage de lady Peveril quelques signes de mécontentement et d’embarras.

« Je suis bien malheureuse ! dit la comtesse ; j’ai laissé échapper, je ne sais comment, quelque chose qui vous blesse, Marguerite ; le mystère est une chose dangereuse, et entre nous il ne devrait pas y en avoir. — Il n’y en a pas non plus, madame, » répondit lady Peveril avec un peu de vivacité ; « je n’attendais qu’une occasion pour apprendre à mon mari ce qui est arrivé. M. Bridgenorth était malheureusement ici, sir Geoffrey, lorsque lady Derby y est arrivée, et il a cru de son devoir de parler de…

— De parler de quoi ? » s’écria le chevalier en fronçant les sourcils ; « Vous avez toujours été trop bonne, Marguerite, et vous avez permis à ces gens-là d’usurper des droits… — Je veux dire seulement, reprit lady Peveril, que comme la personne… celui dont milady racontait l’histoire, était le frère de sa femme, il a menacé milady… mais je ne puis croire que ce fût sérieusement.

— Il l’a menacée ! Menacer lady Derby dans ma propre maison ! la veuve de mon ami, la noble Charlotte de Latham-House ! Par le ciel ! ce presbytérien aux oreilles longues m’en rendra raison ! Comment mes gens ne l’ont-ils pas fait sauter par la fenêtre ? —