Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/91

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Brewer, qui était derrière lui, le tenait à peine par le bras. Sir Geoffrey embrassa tendrement le petit garçon, et la comtesse, l’ayant appelé à elle, le baisa au front, et examina tous ses traits d’un œil observateur et curieux.

« C’est un véritable Peveril, dit-elle, marqué de la touche des Stanley. Cousin, j’ai une demande à vous faire. Lorsque mes affaires seront arrangées, et que je serai paisiblement rétablie dans mon île, il faut que vous me donniez pendant quelque temps ce petit Julien, pour qu’il soit élevé chez moi comme page et comme compagnon du petit Derby. J’espère que le ciel permettra qu’ils soient amis comme leurs pères l’ont été ; et puisse Dieu leur faire voir des temps plus heureux ! — De tout mon cœur, madame, et je vous remercie de votre proposition, répondit le chevalier. Nous avons vu la décadence de plusieurs nobles maisons ; et il y en a un bien plus grand nombre encore où les règles de la discipline pour l’éducation de la jeune noblesse sont si entièrement négligées, que j’ai souvent craint d’être obligé de garder le petit Gil chez moi ; et comme malheureusement j’ai reçu moi-même trop peu d’instruction pour pouvoir lui enseigner grand’chose, il aurait couru risque de n’être jamais qu’un chevalier chasseur au faucon. Mais dans la maison de Votre Seigneurie, et près du noble comte votre fils, il trouvera de meilleures directions encore que celles que je pouvais désirer pour lui. — Il n’y aura entre eux aucune distinction, cousin, ajouta la comtesse ; le fils de Marguerite Stanley sera l’objet de mes soins comme mon propre fils, puisque vous voulez bien le confier à mon amitié. Vous pâlissez, Marguerite, et je vois des larmes dans vos yeux. Point de tendresse mal entendue, point de faiblesse, ma chère : ce que je vous demande est plus dans l’intérêt de votre fils que tout ce que vous avez pu souhaiter jusqu’à présent ; car la maison de mon père, le duc de la Trémouille, était la plus célèbre école de chevalerie de toute la France. L’âme de sa fille n’a pas dégénéré de ces nobles sentiments, et je n’ai souffert aucun relâchement dans les principes qui préparent les jeunes gens à être l’honneur de leur race. Vous ne pouvez promettre les mêmes avantages à votre Julien si vous l’élevez dans la maison paternelle. — Je sens tout le prix de cette faveur, milady, répondit lady Peveril, et je dois consentir à la proposition dont Votre Seigneurie nous honore, proposition qui d’ailleurs a déjà obtenu l’approbation de sir Geoffrey ; mais Julien est un fils unique, et… — Fils unique, inter-