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par les liqueurs fortes dont il s’est abreuvé hier. Pour son lit, voilà un beau parquet, bien sec et beaucoup plus sain que la paille humide sur laquelle j’ai couché pendant que j’étais en prison.

« Whitaker, » dit lady Peveril, d’un ton impératif, « je vous ordonne de pourvoir au coucher et à la nourriture du major Bridgenorth, exactement comme je vous l’ai déjà signifié, et de vous conduire envers lui avec tous les égards et toute la politesse que j’exige. — Vos ordres, milady, seront exécutés ponctuellement ; mais, comme un vieux et fidèle serviteur, j’use du privilège de vous parler avec franchise. »

Après cet entretien avec l’intendant, les deux dames se retirèrent dans un appartement réservé particulièrement à la maîtresse de la maison. Cet appartement communiquait d’un côté avec la chambre à coucher, et de l’autre, avec un salon donnant sur le jardin. Il y avait aussi une petite porte, par laquelle, après avoir monté quelques marches, on arrivait au balcon dont nous avons déjà parlé, et qui donnait sur la cuisine. Ce même passage conduisait par une autre porte à la tribune principale de la chapelle, de manière que toutes les affaires spirituelles et temporelles du château se trouvaient presque en même temps sous l’inspection de l’œil qui devait tout surveiller avec attention.

Cette pièce, qu’on nommait la chambre tapissée, fut fermée soigneusement ; et, lorsque les deux dames furent assises, la comtesse, prenant la main de lady Peveril, lui dit en souriant :

« J’ai vu aujourd’hui deux choses qui m’auraient surprise extrêmement si quelque chose pouvait maintenant me surprendre. La première, c’est que cet insensé de tête-ronde ait osé montrer tant d’insolence dans la maison de Peveril du Pic. Si votre mari, toujours sans doute le vaillant et honorable cavalier que j’ai connu, se fût trouvé chez lui, il aurait jeté ce drôle par la fenêtre. Mais ce qui m’a plus étonnée encore, Marguerite, c’est votre fermeté. Je ne vous aurais jamais crue capable de prendre des mesures si décisives, après avoir montré tant de patience et de condescendance envers cet homme. Tandis qu’il parlait de magistrature et de warrant, vous aviez l’air si interdit, que je croyais déjà sentir sur mon épaule la griffe du sergent de la paroisse, me saisissant pour me traîner en prison comme une vagabonde. — Nous devons quelques égards à M. Bridgenorth, ma chère dame, répondit lady Peveril : il nous a servis chaudement dans ces derniers temps d’épreuves ; mais jamais ni lui ni d’autres n’insulteront la comtesse