Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/82

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grin vous fait oublier tous les égards, je vous prie de vous rappeler que la comtesse est chez moi, qu’elle est ma parente, et qu’elle a droit à la protection que je puis lui accorder. Je vous supplie, au nom de la simple politesse, de vouloir bien vous retirer ; c’est, je crois, ce que vous avez de mieux à faire dans une circonstance aussi pénible. — Non ! qu’il reste, » dit la comtesse, en le regardant avec un air de fierté mêlé d’une expression de triomphe ; « je ne voudrais pas qu’il en fût autrement, je ne voudrais pas que ma vengeance se bornât à l’insuffisante satisfaction que m’a donnée la mort de Christian. Les éclats bruyants et grossiers de la douleur de cet homme me prouvent que la punition que j’ai infligée n’atteindra pas seulement le coupable qui l’a subie. Je voudrais savoir que ma vengeance a déchiré autant de cœurs rebelles qu’il y a eu de cœurs loyaux et fidèles affligés par la mort du prince de Derby, mon époux ! — Si c’est votre bon plaisir, milady, interrompit lady Peveril, nous passerons chez moi, et nous abandonnerons cet appartement au major Bridgenorth, puisqu’il ne connaît pas assez les lois de la politesse pour se retirera ma demande. Adieu, monsieur Bridgenorth, nous nous reverrons plus tard, et j’espère vous trouver en meilleure disposition. — Pardon, madame, » dit le major, qui parcourait l’appartement à grands pas, et qui, s’arrêtant subitement, releva la tête comme un homme qui vient de prendre une ferme résolution. « À vous je n’ai rien à dire que dans les termes les plus respectueux, mais à cette femme je dois parler comme magistrat. Elle a avoué un meurtre en ma présence ; et ce meurtre est celui de mon beau-frère. Comme homme et comme magistrat, je ne puis permettre qu’elle sorte d’ici que sous une escorte propre à l’empêcher de fuir. Elle a déjà dit qu’elle était fugitive et qu’elle cherchait à se cacher jusqu’à ce qu’elle eût trouvé l’occasion de passer en pays étranger. Charlotte, comtesse de Derby, je t’arrête comme coupable du crime dont tu viens de te vanter. — Je ne me soumets point à votre arrêt, » répondit la comtesse avec calme. « Je suis née pour donner de tels ordres, et non pour les recevoir. Qu’ont de commun vos lois anglaises avec les actes de mon gouvernement dans le royaume héréditaire de mon fils ? Ne suis-je pas reine de Man aussi bien que comtesse de Derby ? Souveraine feudataire, il est vrai, mais indépendante tant que je rends foi et hommage. Quel droit pouvez-vous exercer sur moi ? — Celui qui est donné par le précepte de l’Écriture, répondit Bridgenorth. « Qui-