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autres factions, s’attribuaient la dénomination exclusive de parti honnête ; et elle éprouvait en ce moment quelque difficulté à expliquer à la comtesse que cet ami n’était pas précisément honnête dans le sens qu’elle entendait donner à ce mot.

« Nous ferions mieux de nous retirer, madame, » dit-elle, en se levant comme pour suivre la comtesse. Mais celle-ci resta sur son siège.

« Ce n’est qu’une question d’habitude, dit-elle, les principes de ce gentilhomme ne sont d’aucune importance pour moi, car ce que j’ai à vous dire est connu de tout le monde. Vous avez dû savoir et vous vous souvenez sans doute, car Marguerite Stanley ne saurait être indifférente à mon destin, qu’après le meurtre de mon époux à Bolton, je relevai l’étendard qu’il n’avait laissé tomber qu’en mourant, et que je l’arborai de ma propre main dans notre souveraineté de Man. — Je l’ai appris, madame, répliqua lady Peveril ; et j’ai su aussi que vous aviez fait un courageux défi au gouvernement rebelle, dans le temps même que les autres parties de la Grande-Bretagne s’étaient inclinées devant sa puissance. Mon époux, sir Geoffrey, avait formé le projet d’aller à votre secours avec plusieurs de ses vassaux, lorsque nous sûmes que l’île s’était rendue au parti du parlement, et que, vous, madame, vous aviez été mise en prison. — Mais vous ne savez pas, reprit la comtesse, comment ce désastre fondit sur moi. Marguerite, j’aurais défendu cette île contre ces coquins jusqu’à ce que la mer qui l’entoure se fût éloignée d’elle ; j’aurais disputé à ces hypocrites, à ces rebelles, le domaine héréditaire de mon époux jusqu’à ce que les écueils qui l’entourent fussent devenus des ancrages sûrs, jusqu’à ce que les rochers se fussent fondus aux rayons du soleil, jusqu’à ce qu’il ne fût pas resté pierre sur pierre de mes châteaux et de mes forteresses. Le petit royaume de Man ne leur aurait été cédé que lorsqu’il n’aurait plus resté un bras pour porter un bouclier ou un sabre, un doigt pour faire partir la détente d’un fusil. Mais la trahison fit ce que la force n’aurait pu faire ; la trahison parvint à accomplir ce que Blake et Lawson avec leurs châteaux flottants avaient regardé comme une entreprise trop hasardeuse ; un vil rebelle, un serpent nourri dans notre sein nous livra à nos ennemis : ce misérable se nommait Christian. »

Le major Bridgenorth tressaillit à ce nom, et se retourna vers celle qui venait de le prononcer ; mais au même instant une ré-