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des jeux de son petit compagnon. Julien, préoccupé de ses divertissements enfantins, avait les regards fixés sur la tapisserie, lorsque tout-à-coup il vit un des panneaux glisser et s’entr’ouvrir de manière à lui laisser voir une belle main, dont les doigts appuyés sur le bord du panneau, paraissaient le pousser pour le faire reculer davantage. L’étonnement et un peu d’effroi saisirent le petit Julien ; car les contes de sa gouvernante lui avaient donné une grande terreur du monde invisible.

Cependant, naturellement hardi et courageux, le petit champion se plaça devant sa sœur d’adoption, brandissant l’arme qu’il tenait à la main, comme pour la défendre, et d’un air aussi déterminé que s’il eût été lui-même un Abencerrage de Grenade.

Le panneau qui fixait alors toute son attention continuait à glisser, et découvrait plus distinctement à ses yeux la personne à qui la main appartenait. Enfin il aperçut à travers la sombre ouverture la forme d’une femme en habits de deuil. Elle n’était plus jeune, mais ses traits offraient les traces d’une grande beauté, et le caractère principal de sa physionomie et de son maintien avait quelque chose de la dignité royale. L’étrangère, après s’être arrêtée un moment sur le seuil de la porte qu’elle venait d’ouvrir d’une manière si imprévue, et avoir regardé avec surprise les enfants que probablement elle n’avait pas observés d’abord, s’avança dans l’appartement, et un ressort secret qu’elle toucha fit refermer le panneau si subitement, que Julien douta presque qu’il eût été ouvert, et commença à croire que tout ce qu’il voyait n’était qu’une illusion.

La majestueuse dame s’avança vers lui, et lui dit : « N’êtes-vous pas le petit Peveril ? — Oui, » répondit l’enfant, cédant au sentiment précoce de cet honneur chevaleresque, qui défend de désavouer son nom, quelque danger qu’il y ait à le faire connaître.

« Alors, » reprit la fière étrangère, « allez à l’appartement de votre mère, et dites-lui qu’elle vienne à l’instant me parler. — Je n’irai pas, répondit le petit Julien. — Comment ? reprit la dame, « si jeune et déjà si désobéissant ! mais vous ne faites que vous conformer à l’esprit du temps. Pourquoi, mon bel enfant, ne voulez-vous pas faire ce que je vous demande, puisque je vous en prie ? — J’irais bien, madame, répondit l’enfant, mais…. » et il se tut, reculant à mesure que la dame avançait, et tenant toujours par la main Alice Bridgenorth, qui, trop jeune pour comprendre ce dialogue, se serrait en tremblant contre Julien.