Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/59

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Vingt mille anges, voilà les troupes du Seigneur ;

Anges brillants et tous pleins de vaillance :

Comme du Sinaï, témoin de sa splendeur,

Au milieu d’eux éclate sa puissance.


Tu vins, Seigneur, et tu soumis,

De ton bras invincible et qui lance l’orage.

Tous ces superbes ennemis

Qui retenaient ton peuple en un dur esclavage.

Ce chant triomphal et religieux parvint jusqu’à l’oreille des joyeux cavaliers qui, accompagnés de toute la pompe que pouvaient leur permettre leurs longues infortunes et leur pauvreté, s’avançaient vers le même but, quoique par une route différente, et faisaient retentir la grande avenue des éclats de leur bruyante gaieté. Ces deux bandes de convives offraient le contraste le plus frappant ; car, pendant toute cette période de dissensions civiles, les mœurs et les coutumes des deux factions les avaient distinguées aussi parfaitement l’une de l’autre qu’auraient pu le faire deux uniformes différents. Si le puritain avait dans son costume une simplicité affectée, et dans ses manières une précision poussée jusqu’au ridicule, le cavalier portait l’amour de la parure jusqu’à une recherche non moins bizarre, et son mépris pour la contrainte et l’hypocrisie jusqu’à une licence souvent éhontée. Des hommes de tout âge, vêtus avec plus ou moins de richesse et d’élégance, s’avançaient en foule vers le gothique manoir, et tous à l’envie donnaient des signes manifestes de cette heureuse gaieté qui les avait constamment soutenus pendant ce qu’ils appelaient le mauvais temps de l’usurpation de Cromwell ; et cette gaieté était alors tellement excitée, qu’il n’y en avait aucun parmi eux qui ne fût presque hors des limites de la saine raison. Les plumes flottaient au gré du vent, les galons d’or brillaient, les lances étincelaient, les coursiers caracolaient, et de temps à autre un pistolet de poche ou d’arçon se faisait entendre, tiré par quelque membre de la bande joyeuse qui trouvait que son talent naturel pour faire du bruit ne répondait pas encore suffisamment à la dignité de la circonstance. Une troupe d’enfants (car, nous l’avons dit plus haut, la populace s’était prononcée, comme toujours, pour le parti le plus fort) les suivait en poussant les cris de : « À bas le Croupion ! malédiction sur Olivier ! » Des instruments de musique de toutes les espèces connues alors jouaient tous à fois et sans s’inquiéter de s’accorder l’un avec l’autre ; la noblesse partageant l’enthousiasme général, s’humanisait jusqu’à fraterniser avec la partie roturière de la troupe ; la joie commune s’augmentait encore de