Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/571

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lui-même ne saurait t’empêcher de porter la couronne ducale. — Une couronne de duvet de chardon entrelacée des feuilles de la même plante ! dit Zarah. Je ne connais rien de plus pitoyable que votre Buckingham ! Je l’ai vu, pour vous satisfaire, vu dans un moment où, comme homme, il aurait dû se montrer généreux et noble ; j’ai tenté l’épreuve parce que vous l’aviez désiré ; car je me ris des dangers devant lesquels les timides créatures de mon sexe frémissent et fuient en rougissant. Qu’ai-je trouvé en lui ? un misérable voluptueux plein d’hésitation : ses efforts pour se passionner ressemblent au feu que l’on met à un champ de chaume, qui peut jeter quelques flammes et beaucoup de fumée, mais qui n’échauffe ni ne consume. Christian, quand même sa couronne de duc serait en ce moment à mes pieds, je relèverais plutôt une couronne de pain d’épice que je ne me baisserais pour la ramasser. — Vous êtes folle, Zarah, avec tout votre discernement et tous vos talents ; vous êtes entièrement folle ! Mais laissons là Buckingham. Ne me devez-vous rien à moi qui, pour vous procurer le bien-être et l’abondance, vous ai délivrée du maître qui vous dressait à faire en public des tours de force et de souplesse. — Oui, Christian, répliqua-t-elle, je vous dois beaucoup. Si je ne l’avais pas senti, j’eusse infailliblement cédé à la tentation que j’éprouvais souvent de vous dénoncer à la fière comtesse, qui vous aurait fait pendre sur les murailles féodales du château de Rushin, laissant à vos héritiers le soin de poursuivre la réparation de leurs griefs contre les aigles qui auraient tapissé leurs nids de vos cheveux et nourri leurs jeunes aiglons de votre chair. — Je suis vraiment enchanté que vous ayez eu tant d’indulgence pour moi, répondit Christian. — À parler sincèrement, répliqua Zarah, si j’ai agi de la sorte, ce n’est pas à cause de vos bienfaits envers moi, quels qu’ils fussent : ils étaient tous intéressés et accordés dans les vues les plus égoïstes ; je vous en ai payé mille fois par le dévouement à toutes vos volontés que j’ai montré, au risque des plus grands dangers pour ma personne. Mais jusque dans ces derniers temps, je respectais votre force d’esprit, l’empire sans égal que vous aviez sur vos passions, la puissante intelligence qui vous soumettait tous les esprits, depuis le bigot Bridgenorth jusqu’au débauché Buckingham : voilà les qualités auxquels j’avais reconnu mon maître. — Ces qualités, dit Christian, je les possède encore dans toute leur énergie ; et si tu me prêtes ton assistance, tu verras les entraves les plus