Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/552

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Buckingham. — Vous employez des expressions beaucoup trop dures, madame, dit le roi. Une peine légale, comme nous nous le rappelons bien, fut encourue par un acte de violence irrégulier : c’est ainsi que nos cours de justice et nos lois l’appellent, quoique personnellement je ne refuse pas de le nommer avec vous une honorable vengeance. Mais souvent ce qu’on peut considérer comme tel d’après les lois de l’honneur est nécessairement suivi de fâcheuses conséquences. — Je ne viens pas, sire, me plaindre à vous de ce que l’héritage de mon fils a été détruit et confisqué ; je n’en parle que pour montrer quelle fut ma résignation lors de cet affligeant désastre. Je viens pour racheter l’honneur de la maison de Derby, plus cher à mes yeux que tous les trésors et toutes les terres qui lui ont jadis appartenu. — Et qui attaque l’honneur de la maison de Derby ? répliqua le roi ; sur ma parole, vous m’en donnez la première nouvelle. — N’a-t-on pas imprimé un récit (car c’est ainsi qu’on nomme les longues suites de mensonges relatives à la conspiration papiste, à cette prétendue conspiration, comme je l’appellerai), un récit dans lequel l’honneur de notre maison a été terni et souillé ? Et deux nobles personnages, le père et le fils, alliés de la maison de Stanley, ne courent-ils pas risque de perdre la vie pour des faits dont je suis, moi, principalement accusée ? »

Le roi jeta un regard autour de lui, et souriant à d’Ormond et à d’Arlington : « Le courage de la comtesse, leur dit-il, doit nous faire honte, ce me semble. Quelle bouche osa jamais qualifier de prétendu l’immaculé complot, ou appeler le récit des témoins une longue suite de mensonges ? Mais, madame, continua-t-il, quoique j’admire la générosité de votre intervention en faveur des deux Peveril, je dois vous apprendre que cette intervention n’est pas nécessaire : leur acquittement a été prononcé ce matin. — Alors que Dieu soit loué ! » s’écria la comtesse en joignant les mains. « C’est à peine si j’ai dormi depuis la nouvelle de leur arrestation ; et je venais ici me livrer à la justice de Votre Majesté ou aux préjugés du pays, dans l’espoir qu’en le faisant je pourrais du moins sauver la vie de mes nobles et généreux amis, en butte aux soupçons uniquement, ou du moins principalement à cause de leurs liaisons avec nous. Mais sont-ils vraiment acquittés ? — Ils le sont, sur mon honneur. Je m’étonne que vous ne l’ayez pas appris. — Je ne suis arrivée qu’hier au soir, sire, dit la comtesse, et je suis restée dans une retraite absolue, crai-